Cuisiner autrement

Cinq habiletés à (re)développer pour cuisiner local… et sans recettes.

Texte—Véronique Bouchard
Illustrations—Maxime Prévost

Vous aussi, vous avez manqué de certains aliments lors du premier confinement? Vous n’êtes pas seul·e·s. Et tout porte à croire que ces ruptures de stock seront plus fréquentes dans les années à venir. En effet, l’alimentation de demain nous demandera de nous adapter à des approvisionnements de plus en plus incertains, en raison des évènements météorologiques extrêmes. Mais il y a autre chose: nous devons apprendre à ne plus dépendre d’un système industriel qui exploite et la terre, et les gens qui la cultivent.

Or, en développant notre capacité à cuisiner avec ce que nous avons sous la main — et en partant de l’aliment plutôt que de la recette —, nous pouvons devenir dès maintenant des acteurs et des actrices de changement.

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Une nouvelle année commence. Sans parler de résolutions (qui sont toujours, par définition, difficiles à tenir), je vous propose ici cinq habiletés à (re)développer à votre rythme. Pour le plaisir de cuisiner, et pour la nécessité de transformer notre culture culinaire, qui doit devenir plus écologique, plus résiliente et plus solidaire.

 

– 1 – 

L’esprit critique

 

Est-il normal — et même souhaitable — d’avoir accès en tout temps à des aliments provenant des quatre coins de la planète? La réalité, c’est que ce privilège réservé aux plus riches est assumé par les communautés rurales et agricoles, qui doivent en supporter les couts humains, sociaux et environnementaux.

Faites des choix basés sur le respect. Intéressez-vous à la façon dont les aliments sont produits. En vous rapprochant autant que possible des artisan·e·s de la terre — par le biais des marchés publics et des paniers bios solidaires, par exemple —, vous apprendrez à cultiver la gratitude et à reconnaitre chaque aliment à sa juste valeur.

Méfiez-vous de la publicité. Gardez toujours en tête que la publicité est conçue pour stimuler la vente d’un produit, en maximisant les profits des compagnies. De plus, la publicité présente souvent la cuisine comme un fardeau dont on devrait se libérer en achetant du prêt-à-manger et du prêt-à-cuisiner. Or, ceux-ci coutent cher, nécessitent des emballages à usage unique et, bien souvent, nourrissent mal.

(Re)prenez le temps. Et si vous tentiez de récupérer un peu des minutes qu’accaparent vos écrans — dont les applications sont expressément conçues pour créer une dépendance — afin de découvrir, de nourrir ou de retrouver le plaisir de cuisiner?

 

– 2 –

La curiosité

 

La curiosité est le moteur de l’apprentissage, qu’il s’agisse de varier le contenu du frigo ou de mieux comprendre les principes de base en cuisine.

Découvrez l’incroyable diversité que notre terroir a à offrir. Algues, champignons sauvages, légumes méconnus, légumineuses de toutes sortes: manger local est tout sauf monotone! Pourquoi ne pas vous donner le défi de découvrir un nouvel aliment cultivé près de chez vous chaque semaine, chaque mois? Plusieurs outils existent en ce sens, dont le site Mangeons local.

Voyez la recette comme une source d’information et d’inspiration. Et non comme un absolu! Une idée: consultez plusieurs recettes d’un même plat et comparez-les pour comprendre le rôle de chaque ingrédient, trouver des variations possibles et faire ressortir les principes de base de sa préparation.

 

– 3 –

La confiance

 

La confiance est l’un des ingrédients clés de la créativité en cuisine. Pourquoi ne pas la renforcer en bonne compagnie?

Développez vos connaissances culinaires. Intéressez-vous davantage aux livres et aux articles qui expliquent les fondements de la cuisine, plutôt qu’à ceux qui ne proposent que des recettes. Plus vous en saurez, moins vous dépendrez de ces dernières!

Apprenez avec d’autres. Si vous n’avez pas eu la chance de vous faire la main aux côtés de vos parents, il n’est pas trop tard: vous pouvez apprendre à fabriquer votre pain, vos conserves, votre choucroute avec des ami·e·s qui possèdent connaissances et expérience en la matière. Vous pouvez aussi participer à des cuisines collectives (dont le concept a évidemment été ajusté aux restrictions actuelles) ou offrir votre aide bénévole à un·e artisan·e de votre quartier.

 

– 4 –

La créativité

 

Il en va de la cuisine comme de la musique: une fois que l’on a acquis certaines notions fondamentales et cumulé un peu de pratique, on peut se laisser aller à improviser.

Faites des substitutions. Essayez-vous à remplacer certains ingrédients d’une recette par des solutions de rechange locales — le sucre par le sirop d’érable ou le miel, la sauce poisson par les algues en flocons. En hiver, troquez la mangue ou les bananes de vos smoothies par des petits fruits que vous aurez préalablement congelés.

Adoptez le touski. Ce petit mot d’invention québécoise, contraction de «tout-ce-qui-reste», est une invitation à la création culinaire et une chouette façon de combattre le gaspillage alimentaire. Combinez plusieurs restants pour faire un repas complet. Laissez chaque membre de la famille choisir le restant qu’il ou elle préfère. Ou alors, transformez un restant en un tout nouveau plat. Par exemple, utilisez le chili de la veille pour concocter un pâté «chinois-mexicain», en remplaçant le bœuf haché par le chili et en ajoutant du fromage à gratiner sur les pommes de terre en purée.

 

– 5 –

L’organisation

 

Planifier ses repas et organiser sa cuisine a de nombreux avantages: ça permet de gagner du temps, d’économiser de l’argent, de limiter le gaspillage, de faire des choix plus éthiques et meilleurs pour la santé, et, surtout, d’avoir plus de plaisir!

Organisez votre réfrigérateur. Placez au bon endroit et emballez adéquatement chaque aliment afin d’en prolonger la durée de conservation. Placez les restants et les aliments à consommer en priorité bien en vue, afin d’éviter le gaspillage.

Cuisinez en grosses quantités. Vous gagnerez en efficacité et aurez des restants pour les lunchs. N’hésitez pas à congeler: ça dépanne pour les jours où le temps manque, en plus d’apporter de la variété au menu.

Faites votre calendrier locavore. Planifiez vos objectifs chaque mois pour manger plus local: déterminez le bon moment pour produire, vous procurer, cueillir et transformer les trésors du terroir afin de pouvoir en profiter tout au long de l’année. Par exemple, en février, c’est le temps de vous abonner à un panier bio; en juin, de congeler les fraises; et en septembre, de mettre en conserves les tomates.

Tenez un registre de transformation. Estimez les réserves de chaque aliment dont vous aurez besoin pour une année (tomates en conserve, bleuets congelés, choucroute, etc.). Au printemps, avant l’arrivée des nouvelles récoltes, faites l’inventaire de vos réserves restantes, puis ajustez les quantités à planifier pour la prochaine année, selon ce dont vous aurez manqué ou aurez eu en trop grande quantité.

Véronique Bouchard est agronome et fermière de famille. Dans son livre Cuisiner sans recettes (Écosociété, 2020), elle expose les connaissances et les techniques de base dont nous avons besoin pour développer de bons réflexes culinaires — le tout afin que nous bâtissions, individuellement et collectivement, notre résilience alimentaire.

Crédit: Isabelle Michaud

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