L’herboristerie selon Clotilde du Balai

Se soigner au moyen de plantes médicinales et rendre cette pratique accessible à tous.

TEXTE & PHOTOS Catherine Bernier

Dans son appartement au coeur du quartier de la Petite-Italie, à Montréal, Alexandra Zawadzki-Turcotte, (Clotilde du Balai) fait macérer des plantes choisies avec soin qui serviront à concocter son fameux Sirop Sommeil à base d’avoine, de houblon, de mélisse, de valériane et de miel biologique. L’humidité est à son comble dans la cuisine, mais l’odeur a déjà des effets apaisants.

Ce n’est pas un hasard si Alexandra revendique le titre de sorcière. Son surnom, Clotilde du Balai, est un clin d’oeil à ces nombreuses femmes, ces guérisseuses qui, historiquement, détenaient un savoir inestimable en matière de médecine naturelle. Comme elles, Alex s’intéresse aux propriétés des plantes et à leurs bienfaits sur le corps humain. Elle souhaite également démocratiser, à l’aide d’ateliers et de sa gamme de produits sans flafla, l’utilisation des plantes médicinales.

 

Comment est née ta passion pour l’herboristerie?

Toutes petites, ma jumelle et moi concoctions des pansements à base de boue et de débris pour les arbres dans les parcs, à Saint-Jean-sur-Richelieu, où nous avons grandi. Nous nous plaisions à penser que nous serions un jour des médecins pour les arbres. (rires) De plus, récemment, j’ai su que ma grand-mère d’origine italienne faisait autrefois venir par la poste des plantes des Alpes. Ce n’est pas une habitude qui est restée dans ma famille, mais j’étais heureuse d’apprendre ça. Cela étant dit, c’est surtout mon baccalauréat en sociologie qui a été l’une de mes portes d’entrée en herboristerie. Durant cette période, je me suis intéressée à la corrélation entre le féministe et l’histoire de la santé. Sorcières, sages-femmes et infirmières : une histoire des femmes soignantes, de Barbara Ehrenreich et Deirdre English, a été un ouvrage révélateur pour moi. À la suite de cette lecture, l’herboristerie est devenue à mes yeux une forme de réappropriation du pouvoir des corps, de la santé et du savoir-faire des femmes. Je me renseignais constamment sur les plantes médicinales. J’ai donc choisi de poursuivre mes études en herboristerie. Au début, mon seul motif était d’en savoir plus sur les plantes, mais je n’avais pas vraiment l’intention d’en faire un métier. Pourtant, après plusieurs années dans le domaine, je ne cesse d’être étonnée, et faire appel à la nature pour se soigner me fascine encore.

Aujourd’hui, tu oeuvres à temps plein comme herboriste. Comment en es-tu arrivée jusque-là?

À la fin de ma formation en herboristerie, on me demandait ce que j’allais faire avec ça, alors que j’avais aussi en poche un diplôme en arts visuels et un baccalauréat en sociologie. Tout ce que je savais, c’est que je voulais amener quelque chose de différent en résonance avec ma personnalité. En général, je suis une adepte de la simplicité, et on la retrouve autant dans ma façon de travailler que dans mes produits. Par exemple, je ne sens pas le besoin d’utiliser une énorme liste d’ingrédients : je n’emploie que les plantes essentielles afin qu’elles puissent bien faire leur travail. Pour moi c’est ça, l’herboristerie : une combinaison de simplicité et d’accessibilité. À l’époque de nos grands-mères, les gens avaient beaucoup plus de connaissances dans ce domaine que maintenant. C’est une perte de pouvoir pour notre génération! Offrir des ateliers est pour moi une façon de connecter ce passé révolu à notre présent. Mon but n’est pas que les gens deviennent des herboristes professionnels, mais qu’ils sachent que ce domaine d’étude existe et qu’il fasse partie de leurs repères.

Dirais-tu que tu es autodidacte?

Bien que j’aie accès à de la formation continue, le réseau d’herboristes est assez restreint et plutôt éparpillé dans les différentes régions du Québec. J’essaie d’aller chercher des connaissances dans des secteurs complémentaires. Par exemple, je viens tout juste de précommander un livre de l’entreprise Gourmet Sauvage. Leurs cueilleurs professionnels ne sont pas herboristes, mais ils sont des érudits en matière d’identification de plantes sauvages comestibles. Ces connaissances connexes me permettent de cheminer dans ma pratique. Tout est lié! Une enseignante m’a déjà dit que l’herboristerie est au croisement de la cuisine et de la médecine. Ça m’a beaucoup interpellée. Pour moi, cela signifiait de donner la possibilité aux gens de faire beaucoup avec ce qu’ils ont sous la main.

Comment t’approvisionnes-tu en plantes?

J’en cultive certaines chez mes parents en Montérégie, et d’autres dans la nature, à l’état sauvage, lorsque je visite des amis en Estrie ou dans les Laurentides. J’achète ce qui me manque chez des fournisseurs québécois qui possèdent de grands jardins, mais qui importent aussi à l’international. Mon objectif à moyen terme est de faire pousser moi-même la majeure partie des plantes que j’utilise. Mon copain achètera bientôt une maison dans le Bas-Saint-Laurent, je vais certainement m’inviter dans son jardin!

Quels sont les principaux préjugés entourant l’herboristerie et l’utilisation des plantes médicinales?

Certaines personnes croient que l’herboristerie a nécessairement un petit côté ésotérique, mais c’est loin d’être le cas! Je suis formée pour cultiver les plantes, les identifier, les cueillir et les transformer. Les herboristes doivent avoir non seulement une connaissance aiguisée des végétaux, mais aussi de la biologie humaine. Les plantes ont un réel impact sur le corps. D’ailleurs, plusieurs pensent qu’elles agissent uniquement de manière préventive, au même titre qu’une bonne vitamine C en hiver. Pourtant, elles agissent également de manière curative. Je ne suis pas en train de dire que les plantes peuvent tout régler, mais elles peuvent certainement agir positivement sur plusieurs maladies. Toutefois, les remèdes naturels impliquent de rester à l’écoute de son corps, d’observer l’évolution de ses symptômes et de prendre plusieurs doses pour obtenir les effets de guérison. Mon rôle est de montrer aux gens qu’ils peuvent se soigner différemment et développer d’autres réflexes que celui de prendre une pilule pour le mal de coeur et une autre pour le mal de tête!

Clotilde du Balai au FESTIVAL BESIDE

Atelier "Identifier les plantes sauvages" - 15 et 16 juin

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Rédactrice et photographe indépendante, Catherine Bernier use de sa créativité pour reconnecter les gens à eux-mêmes, aux autres et à la nature. Diplômée en psychologie de l’orientation et professeure de méditation, elle est fascinée par les interactions entre l’humain et son environnement. Originaire de la Gaspésie, elle entretient une étroite relation avec la mer et les vastes territoires sauvages. Si elle n’est pas quelque part en Amérique latine pour le surf, elle refait le plein d’iode à sa cabine en Nouvelle-Écosse.

 

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