Guide de slow TV pour les jours nuageux

Les vidéos de nature ne combleront pas notre besoin de plein air, mais elles peuvent pallier le manque d’ici votre prochaine excursion.

Texte — Mark Mann

Le 24 décembre 1966, la chaine américaine WPIX diffusait Yule Log, un plan de feu de foyer en boucle de deux heures. C’était le cadeau de Noël du président de la station, Fred M. Thrower, aux New-Yorkais privés de cheminée.

Un demi-siècle plus tard, l’idée de Thrower a évolué en un vaste genre télévisuel, qui inclut les caméras de sentier, des diffusions en direct et des paysages en continu. Parfois rassemblés sous la bannière « slow TV », ces enregistrements tentent d’offrir aux populations urbaines quelque chose qui leur fait généralement défaut: une fenêtre sur les splendeurs de la nature.

La télévision et le cinéma font miroiter depuis toujours des réalités qui nous échappent. En théorie, Yule Log a renversé cette polarité en proposant une nouvelle possibilité: au lieu de fuir le quotidien en nous tournant vers les écrans de télé — et plus tard, les ordinateurs, les tablettes et les téléphones intelligents —, il devenait possible d’enrichir nos vies d’une touche d’authenticité ou de naturel. Une forêt norvégienne dans le salon, un récif de corail sur la table de chevet.

Peter Kahn, directeur du Human Interaction with Nature and Technological Systems Lab (HINTS) à l’Université de Washington, désigne ce phénomène par le terme de «nature technologique» (sa définition englobe les documentaires sur la nature, certains jeux vidéos et les robots de compagnie). Khan, qui figurait dans BESIDE Numéro 05 : Quel avenir sommes-nous en train de bâtir?, pense que la nature technologique nous séduit non pas parce qu’elle est réaliste ou fascinante, mais plutôt en raison de notre biophilie innée, ce qu’E. O. Wilson décrivait comme notre attirance pour la nature et notre propension à éprouver une affinité.

La nature technologique comble-t-elle notre biophilie? La réponse courte est non, pas vraiment… mais sans doute un peu. Les recherches de Khan suggèrent qu’elle procure certains des mêmes bienfaits que la nature réelle, sans toutefois la remplacer. Il n’y a là aucune surprise. Or, en pleine pandémie mondiale, nous sommes plusieurs à être coincés à la maison, et les scènes naturelles diminuent bel et bien le stress, même quand elles proviennent d’un écran.

Au nom de la biophilie, voici donc des propositions de slow TV pour vous amener à approfondir vos liens avec la nature, en ces temps de (re)confinement.

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Slow travel

 

Les longs voyages sont la tendance forte en slow TV. La Norvège a en quelque sorte introduit le genre en 2017; la première émission à vie du diffuseur public national était une retransmission minute par minute du trajet en train entre Bergen et Oslo. Contre toute attente, 20% des Norvégiens ont assisté à ce rendez-vous télévisuel. Depuis, le pays a continué à produire des évènements annuels de slow TV, notamment des périples sur terre comme sur mer, un marathon de tricot et des cours d’histoire nationale pendant 24 heures en continu. Aujourd’hui, YouTube regorge de vidéos de slow travel. On peut voguer sur la mer des Caraïbes ou faire une balade traditionnelle en traineau à rennes en Arctique. Pour le solstice d’été 2016, la télé nationale islandaise a diffusé un remix de 24 heures de la chanson «Óveður» de Sigur Rós, accompagné d’un plan séquence de la route côtière qui fait le tour du pays. Pour qui aime s’évader, difficile de faire mieux.

Photo: Eliane Cadieux
Photo: Eliane Cadieux

Abitibi360

Découvrez aussi Abitibi360, une websérie en 360 degrés qui fait découvrir lacs, rivières et kilomètres de forêt de l’Abitibi-Témiscamingue, et les gens qui y sont fièrement enracinés.

Voir

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Des animaux au naturel

 

Plusieurs caméras de télésurveillance filment les animaux de si près dans leur habitat, en particulier les aigles, qu’elles peuvent sembler intrusives. Or, si partager le nid d’un aigle semble parfois susciter une sensation de claustrophobie, cette autre webcaméra en Transylvanie vous en mettra plein la vue — ours, loups, sangliers — tout en préservant une distance respectueuse. Ma caméra d’observation de la faune préférée est celle du sanctuaire de baleines à bosse d’Hawaï, puisqu’on y voit rarement une baleine, ce qui m’apparait plus réaliste. Si vous voulez en apercevoir, optez plutôt pour cette plage du détroit de Johnstone en Colombie-Britannique où convergent les épaulards. J’en ai vu un en moins de 30 secondes. Enfin, on peut difficilement les qualifier d’espèces sauvages, mais permettez-moi de vous recommander la caméra d’un refuge pour chatons.

Photo: Louis Paulin

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La forêt derrière l’arbre

 

Le meilleur sous-genre de ces captations pour tester votre sens de l’observation est sans conteste les forêts. Souvent, les seuls indices qui dévoilent que ces images sont bel et bien en temps réel sont le mouvement discret du feuillage et le chant des oiseaux. En guise d’introduction, je vous suggère ces ravissantes forêts suédoises. YouTube pullule de longues vidéos sylvestres, catégorisées par saison, moment de la journée ou ambiance sonore: automne ensoleillé, chants d’oiseaux estivaux, soirs de pleine lune, etc. Certaines vous proposent une promenade; d’autres, une vue du ciel. Grâce au programme Trekker, Google vous permet désormais d’arpenter à votre rythme une série de sentiers en mode Street View, dont celui-ci dans le parc national de Banff. mais attendez-vous à beaucoup de cliquages!

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Sous la mer

 

Les vidéos sous-marines ou d’aquarium constituent une autre catégorie féconde, qui compte des millions de vues sur YouTube. Pas étonnant: quoi de plus agréable que de s’immerger dans un monde de créatures ondoyantes où tout flotte librement? En prime, la musique apaisante qui agrémente les images est particulièrement relaxante. Ou encore, purifiez pleinement votre cerveau avec des vagues de l’océan qui déferlent sur le rivage. Aux paisibles vaguelettes, je préfère encore les côtes rocheuses et les flots tumultueux.

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Télé pour chats (et chiens)

 

Aucune liste de vidéos de nature ne serait complète sans la télé pour chats. Quelques-uns de ces enregistrements ont été visionnés des millions de fois et, si on en croit les commentaires, ils plaisent réellement à cette clientèle à pattes. Mais attention, propriétaires de petits félins: les internautes signalent que leurs chats s’en prennent parfois à l’écran. En tant qu’être humain, j’avoue être davantage captivé par ces vidéos que par la plupart des images de nature en continu. Observer des oiseaux et des écureuils vaquer à leurs occupations est amusant: le remue-ménage est à la fois divertissant et apaisant, ce qui n’est pas sans rappeler les vidéos ASMR de stimulation sensorielle.

Soit dit en passant, il existe aussi des vidéos pour chiens mettant en scène de plus gros animaux, comme des moutons et des vaches, ou encore des canards et des corbeaux. Pourtant, pas besoin d’un animal de compagnie pour y trouver son compte. Comme l’admet John Schrader, un utilisateur YouTube: «Je regarde ce type de vidéo chaque jour de la semaine et je n’ai même pas de chien.»

Photo: Lucas Marconnet

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