TEXTE : Catherine Métayer
PHOTOS : Tim Flach
PHOTOS : Tim Flach
Il y a quelques décennies à peine, la nature ne nous semblait pas vulnérable. Nous la percevions plutôt comme une force vaste et puissante. Maintenant que nous avons anéanti une grande partie de notre environnement naturel, des biologistes du monde entier prédisent la disparition de la moitié des espèces vivantes d’ici 2050.
Cette extinction massive sera une conséquence directe des maladies virales, de l’introduction d’espèces non indigènes, de la destruction des habitats, de la chasse et du commerce illicites, de la pollution et du changement climatique.
Aux États-Unis, au Canada et ailleurs, des centaines d'espèces menacées attendent que leur dossier soit traité. Elles devront patienter encore longtemps : les agences de protection ne parviennent même pas à s’occuper des animaux en danger imminent d’extinction.
Il faut savoir que notre volonté de protéger les créatures vivantes est loin d’être rationnelle, puisqu’elle se fonde sur un sentiment d’empathie qui varie selon les espèces. Prenons les célébrités de la nature comme l’ours polaire et le tigre du Bengale. Autrefois craints, ces animaux sont rapidement devenus, dans notre conscience collective, d’émouvants symboles de vulnérabilité. Or pendant ce temps, de nombreuses espèces moins connues sont abandonnées à leur triste sort. Il faut les sortir de l’ombre avant qu’elles soient perdues à jamais.
Le pangolin à ventre blanc vit dans diverses régions de l’Asie et de l’Afrique. C’est un animal timide, essentiellement nocturne, qui se roule en boule et déploie son armure d’écailles de kératine lorsqu’il se sent menacé. Plus d’un million de pangolins ont été vendus illégalement au cours des dix dernières années, ce qui en fait le mammifère le plus trafiqué sur la planète. Deux des quatre espèces existantes sont aujourd’hui en danger critique d’extinction.
L’aigle des Philippines est l’un des aigles les plus imposants. Il a besoin d’au moins 7 000 hectares de forêt pour survivre. Endémique aux Philippines, il est devenu l’oiseau national du pays en 1995, même s’il est menacé par la chasse et la déforestation. On estime à environ 400 le nombre de couples vivant encore à l’état sauvage.
Les iguanes marins vivent exclusivement aux Galápagos. Ils plongent dans l’océan pour chercher leur nourriture — des algues, surtout. Une partie du sel qu’ils ingèrent en même temps est expulsé, sous forme de cristaux, lors d’éternuements. La population d’iguanes marins ne cesse de diminuer à cause d’El Niño, dont les manifestations se multiplient; de l’introduction de nouveaux prédateurs dans leur habitat, comme les chats ou les rats; et d’évènements catastrophiques tels que le déversement de diésel survenu en 2001.
Le saïga est l’une des rares espèces ayant survécu à l’ère glaciaire. Son museau a évolué de façon à réchauffer l’air qu’il respire en hiver et à filtrer la poussière en été. Il est chassé depuis l’époque préhistorique pour sa viande et ses cornes. En 2015, une épidémie de maladies infectieuses survenue en Europe centrale a presque décimé la population de saïgas. Certains croient que trop de mâles sont morts et que la survie de l’espèce est menacée.
Les sifakas couronnés ont une façon particulièrement énergique de se déplacer, leurs bras s’agitant de chaque côté de leur corps. Ils ont besoin de grands arbres pour vivre et se nourrir, et souffrent donc énormément des changements d’habitat que commande la déforestation. Ils évoluent aujourd’hui dans des parcelles de forêt de Madagascar (qui figurent d’ailleurs rarement dans les zones protégées par les accords internationaux).
Les tamarins bicolores forment une espèce vieille de dix millions d’années. Ils vivent en groupes familiaux et pratiquent la polyandrie (un phénomène rare qui consiste en l’accouplement de la femelle dominante avec plusieurs mâles au cours de la saison de reproduction annuelle). Ils sont endémiques dans une toute petite région de la forêt amazonienne située près de la métropole brésilienne de Manaus. Mais la ville gagne du terrain sur la forêt tropicale, et les tamarins, incapables de s’adapter à la vie urbaine, sont souvent tués par des voitures, des chiens ou des lignes électriques.
---
Tim Flach est allé à la rencontre de ces animaux de l’ombre. Ses portraits photographiques d’espèces menacées éveillent en nous une forme d’attendrissement, voire un sentiment de solidarité. Or, d’après le docteur George Schaller, le biologiste qui signe l’introduction du récent ouvrage de Flach, Endangered, « l’instinct de protection se fonde sur l’émotion. Il vient du cœur et on ne devrait jamais l’oublier ».