Les humains ont un impact plus important sur la Terre que toutes les autres forces naturelles combinées. C’est le sujet de la nouvelle création artistique The Anthropocene Project, du réalisateur et photographe réputé Edward Burtynsky. Nous nous sommes entretenus avec lui.
ENTREVUE : Mark Mann
PHOTOS : Edward Burtynsky, gracieuseté de Nicholas Metivier Gallery, Toronto
Saw Mills #1
Lagos, Nigéria
2016
Qu’est-ce que l’Anthropocène ?
C’est l’effet cumulatif des comportements de 7,5 milliards d’humains sur l’environnement; ce sont les répercussions de la déforestation, des transports, des systèmes de chauffage et de climatisation, et de chacune des actions que nous posons sur l’ensemble de la planète. La concentration atmosphérique de CO2 a désormais dépassé les 400 parties par million — le niveau le plus élevé jamais atteint depuis au moins 800 000 ans.
Comment représentez-vous l’Anthropocène ?
Nous ne pouvons pas montrer le CO2 dans l'air, mais nous pouvons exposer à la vue de tous les grandes raffineries industrielles qui transforment le pétrole brut en essence, en diésel et en plastique, lequel sert à la fabrication des objets de tous les jours. Nous nous intéressons à la déforestation, à l’étalement urbain, au développement industriel, aux projets d’infrastructure, aux tunnels, aux mines, etc. Et nous pouvons mettre en lumière tout cela, car ces éléments sont visibles.
Qu’apporte le concept de l’Anthropocène au débat sur le changement climatique ?
Il lui donne un caractère scientifique, factuel et plus décisif. S’il y a encore des gens qui nient la réalité du réchauffement climatique, la plupart se sont rangés du côté des chercheurs. Les doutes qui subsistent devraient être éliminés grâce à la rigueur scientifique et à l’identification des signes témoignant de la transformation de la planète.
Oil Bunkering #1
Delta du Niger
Nigéria, 2016
Phosphor Tailings Pond #4,
Près de Lakeland en Floride
États-Unis, 2012
Clearcut #1
Plantation de palmiers à huile
Bornéo
Malaisie, 2016
Quelle leçon les spectateurs peuvent-ils tirer de votre travail ?
Il leur rappelle que nous avons tendance à vivre dans une bulle. En gros, je veux souligner le fait qu’il existe un univers beaucoup plus vaste et que nous en faisons partie. Les systèmes que nous utilisons pour exploiter les ressources de la nature sont en train de transformer profondément notre monde, et la technologie est le moteur de ce changement. Les sites dévastés que nous laissons derrière nous sont des paysages que nous avons créés. Ces endroits surréels sont les nôtres.
Vous cherchez donc à montrer l'envers de la médaille des objets du quotidien?
Les gens disent souvent que mes photos représentent des lieux sinistrés. Je ne suis pas d’accord. Elles témoignent de ce que notre espèce doit faire, à l’heure actuelle, pour subvenir à ses besoins à une échelle aussi vaste. Nous pourrions certes agir différemment, mais nous devrions quand même exploiter les ressources de la nature. La question est de savoir si nous réussirons à nous réveiller assez tôt pour éviter la destruction des systèmes dont nous dépendons.
Y a-t-il de l’espoir ?
Nous ne sommes pas condamnés à faire de l’Anthropocène une période sombre de notre histoire. Nous pouvons trouver les moyens de nous sortir de cette situation. L’énergie photovoltaïque coute aujourd’hui moins cher que le charbon, et presque moins cher que le gaz naturel. Ces progrès que je constate, aucun gouvernement ne peut les empêcher. Bien entendu, la transition se produirait plus rapidement si l’on cessait de subventionner les combustibles fossiles. Des signes montrent que les choses peuvent changer, mais il faut que les citoyens aient la volonté et le désir de voir ces changements s’accomplir. Autrement, les conséquences pourraient être désastreuses, et ce sont les prochaines générations qui en paieront le prix.
Log Booms #1
Ile de Vancouver, Colombie-Britannique
Canada, 2016
Dandora Landfill #3
Récupération de plastiques
Nairobi
Kenya, 2016
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The Anthropocene Project utilise divers supports pour explorer les transformations planétaires causées par l’humain. Le documentaire ANTHROPOCENE: The Human Epoch a été présenté en première mondiale au TIFF en septembre dernier. La première exposition Anthropocène est présentée simultanément au Musée des Beaux-Arts de l’Ontario (28/09/2018-06/01/2019) et au Musée des Beaux-Arts du Canada (28/09/2018-04/02/2019). Rendez-vous sur theanthropocene.org pour voir des contenus interactifs, des films 360° et des modèles 3D d’endroits reculés du monde.