Saint-Maxime-du-Mont-Louis: la baie des gens qui osent

À Saint-Maxime-du-Mont-Louis, en Haute-Gaspésie, c’est par et pour la communauté qu’on se réinvente.

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Texte—Mélanie Gagné
Photos—Gabrielle Lacasse

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La simple idée de rouler sur la 132, en Haute-Gaspésie, me rend heureuse. D’un côté de la route, le golfe du Saint-Laurent, qui semble infini; de l’autre, les montagnes majestueuses. Entre les deux, un ruban de bitume où la fraicheur des embruns est palpable lorsque j’ouvre une fenêtre. C’est une journée pluvieuse, mais le banc de brume suspendu au-dessus de la mer et des Appalaches rend le tableau poétique.

Je m’en vais à Saint-Maxime-du-Mont-Louis, un village de quelque 1 130 âmes créatives où il y a tout pour couler de beaux (sé)jours. Et où la réinvention est un peu une seconde nature.

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Saint-Maxime-du-Mont-Louis se situe dans une baie, à une soixantaine de kilomètres de Sainte-Anne-des-Monts. Au 17e siècle, il y avait là un important poste de pêche, notamment grâce à la volonté de Denis Riverin, marchand et haut fonctionnaire français. La Compagnie de Mont-Louis, qu’il a fondée avec des partenaires, pêchait et transformait la morue. Bien que l’économie du village soit de nos jours assez diversifiée, entre culture et production maraichère, la transformation du poisson y est toujours présente et dynamique. En entrant par le côté ouest, on aperçoit d’ailleurs le quai de pêche, l’usine et la poissonnerie Cusimer, puis l’usine Atkins et Frères.

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Je roule vers les bâtiments les plus colorés du village. Je m’arrête devant le fuchsia, l’auberge L’Amarré, pour y serrer la pince de sa propriétaire, Julie Asselin.

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L’ambiance de l’entreprise est aussi pimpante que sa couleur, et il y a partout des étalages de produits locaux. C’est l’arrêt chouchou des gens sur la route ou des fervent·e·s de plein air qui ont une fringale. Les Européen·ne·s s’y posent aussi, quand c’est possible.

Julie a 42 ans. Elle a pris racine à Saint-Maxime-du-Mont-Louis il y a 15 ans. Les raisons d’apprécier ce petit coin de Gaspésie sont multiples, selon elle. «La mer et l’arrière-pays sont magnifiques, c’est un terrain de jeu grandiose, on a tous les services à l’année, il y a une belle vie de village, les gens s’entraident, je connais les familles de mes employé·e·s. Ce qu’il manque, c’est de la rétention touristique. Nous sommes en train de développer ça.»

L’aubergiste a vécu plusieurs années à Montréal, où elle travaillait dans les restaurants et les bars. «Je voulais passer chacun de mes congés dehors, dans la nature. J’étais tannée de la ville; j’ai fait le move. J’ai été attirée par l’eau.» Elle s’est offert un nouveau départ entre mer et montagnes. Elle n’est pas la seule.

Depuis quelques décennies (sans compter la pandémie!), des vagues de nouveaux et nouvelles venu·e·s déferlent, prêt·e·s à s’investir dans des projets de toutes sortes, dont des entreprises d’économie sociale comme la Pépinière des pionniers.

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L’Amarré a eu plusieurs visages depuis son ouverture en 2013. Avant la crise sanitaire, c’était un restaurant, en plus d’une auberge. «Ça fonctionnait super bien, je servais des déjeuners magnifiques, mais avec la hausse du cout des aliments, ce n’était plus rentable. Je manquais aussi de main-d’œuvre, donc je comblais les absences en travaillant 120 heures par semaine: j’étais épuisée. La pandémie m’a permis de ralentir et de restructurer ma vie. Je n’aurais pas pu m’arrêter par moi-même; mon café était le lieu de rencontre des gens.» Si le restaurant n’est plus, la terrasse de L’Amarré, avec une vue imprenable sur le fleuve et la baie, est toutefois restée; on peut y déguster une bière gaspésienne ou un espresso.

Julie tient désormais un comptoir gourmand et une épicerie fine. Elle propose des mets préparés avec un maximum de produits locaux: salade thaïe aux crevettes, pavé de flétan beurre blanc, etc. Tout est confectionné avec des légumes frais de l’entreprise maraichère Les Jardins Taureau & Bélier et de la coop RAC.

Ce changement de cap lui a fait beaucoup de bien: «J’ai retrouvé une vie et la passion pour la cuisine», sourit Julie, qui a aussi récolté un amoureux et une nouvelle cheffe par la bande.

L’entrepreneure est là pour de bon. Elle a des projets d’activités de plein air et d’ateliers culinaires pour L’Amarré — question d’ajouter des attractions à son village. Et de contribuer à ce que les touristes qui s’y arrêtent aient le gout d’y revenir.

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Je me rends ensuite à La Pointe Sec, un espace culturel aménagé dans un ancien entrepôt frigorifique datant du tournant des années 1930.

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J’ai rendez-vous avec Yanik Élément, le fondateur et directeur de l’endroit. Il pleut des cordes. Entre les battements d’essuie-glaces, j’aperçois le vaste bâtiment mauve, des rosiers sauvages, le fleuve et des pêcheur·euse·s de homard qui lèvent leurs casiers, non loin de la rive.

Yanik me fait entrer par la Face b, la petite salle de spectacle qui sert de lieu de rassemblement tout au long de l’année. Une buvette de village y sera bientôt installée. On pourra y déguster des tapas et des alcools d’ici. L’idée est de prendre le relais de L’Amarré, afin qu’un espace de socialisation quatre saisons — où l’on peut casser la croute — demeure. Yanik a engagé un jeune couple nouvellement arrivé à Mont-Louis pour s’en occuper. La buvette, c’était leur idée. «La pandémie a donné un grand coup. Des jeunes dans la vingtaine sont venu·e·s s’installer ici. J’aime croire que La Pointe Sec attire du monde à Mont-Louis. Le culturel, c’est la meilleure chose pour animer un village.»

Yanik est originaire de Mont-Louis. Il a quitté son patelin à 17 ans pour faire des études universitaires en musique et voyager. En 2007, ayant le gout de se poser quelque part, il a acheté l’ancien entrepôt frigorifique de 5 000 p2. Puis, les trois années suivantes, il a fait des allers-retours entre Montréal et Mont-Louis pour entreprendre les rénovations du bâtiment. «Je n’avais jamais touché à un marteau! Je suis saxophoniste de jazz… J’ai eu une espèce de rage créative. Mon père est un artisan et il m’avait déjà montré comment faire. Je me suis découvert de nouvelles compétences; seul, j’ai tout aménagé à l’intérieur avec du bois recyclé. Je n’avais pas les moyens d’acheter des matériaux neufs. Le bois donne une acoustique un peu imbattable. Ça donne aussi une unicité au décor.»

C’est en 2010 que Yanik Élément est revenu vivre dans le village qui l’a vu naitre. En 2012, il présentait sa première programmation, qui fait la part belle aux artistes émergent·e·s et de la région. Avec ses acolytes de la coop La Machine à Truc, qui développe des évènements culturels et artistiques, il a créé le Festival gaspésien de contes et légendes et le Festival tout mélangé.

À La Pointe Sec, il y a aussi un loft où se tiennent des résidences d’artistes et un mini studio en cours d’aménagement. Pendant la belle saison, la grande salle ouvre ses portes au public, qui ne se fait pas prier. Et qui vient de loin pour l’apprécier.

Le lieu, fort singulier, a tout pour devenir mythique.

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Je termine ma visite chez Atkins et Frères, l’incontournable usine de transformation de poisson. On y fume du saumon, de la truite, du maquereau, des fruits de mer, en plus d’y faire des rillettes. Je craque pour leur pavé fondant!

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L’entreprise a été fondée par James Henry et Charles Atkins, deux frères bourlingueurs originaires des Cantons-de-l’Est qui ont eu un coup de cœur pour Saint-Maxime-du-Mont-Louis. Ils ont depuis passé le flambeau à Guillaume Thibault, qui est encore aujourd’hui le capitaine du navire.

Guillaume est originaire de la Bretagne. Il a connu James Henry à Gaspé, un peu par hasard — une rencontre qui a changé sa vie. Il s’est plus tard installé au Canada avec Marina, son amoureuse, puis a travaillé quelques années pour l’entreprise avant de l’acquérir, en 2013. Il avait 33 ans: «Ce n’était pas mon objectif de départ de devenir entrepreneur, mais maintenant, je ne ferais pas autre chose!» Guillaume a le même souci que les frères Atkins d’offrir des produits de qualité et de mettre l’accent sur la convivialité. Le saumon utilisé provient du Nouveau-Brunswick. «J’apprécie la proximité, la fraicheur et la possibilité d’offrir un produit 100 % canadien.»

Une quinzaine de personnes du coin travaillent chez Atkins et Frères. L’usine roule à l’année, tout comme la boutique adjacente. Signe d’une belle évolution, l’entreprise deviendra bientôt un économusée. Le public pourra y découvrir le savoir-faire précieux derrière les produits qu’il apprécie tant.

«Tout est fabriqué de façon artisanale, à la main, pour assurer la grande qualité des produits. Même nos fumoirs ne sont pas contrôlés de façon électronique. Nous demeurerons toujours une entreprise à échelle humaine. Je veux travailler avec des gens, pas avec des machines.»

– Guillaume Thibault
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En me promenant sur la plage, je me remémore les propos de Yanik Élément: il est fier du caractère proactif, intègre, audacieux de sa communauté. Il apprécie également le type de personnes qui la visitent, vives et curieuses. «On accueille entre autres des touristes d’aventure. Des gens qui osent. Il faut être un peu fou pour sauter d’une montagne en deltaplane à Mont-Saint-Pierre. C’est le côté alternatif ou indomptable de la Gaspésie. J’aime ça!»

Mélanie Gagné écrit même lorsqu’elle n’écrit pas. Que ce soit sur la grève, dans la forêt, au sommet d’une montagne ou dans un marché public, elle enregistre des inspirations, étant toujours attentive au grain des choses. Elle partage son temps entre ses rôles de maman, d’enseignante en francisation et de rédactrice. Elle rêve d’écrire un recueil de poésie.

 

Tourisme Gaspésie est un organisme de promotion et de développement touristique. Il vise à positionner la Gaspésie comme destination d’envergure à l’échelle du Québec. Représentant près de 700 entreprises, l’organisme constitue une référence — et un outil — incontournable en matière de planification de séjours sur la péninsule.

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