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Le voyage d’une vie
Si l’Antarctique a longtemps été l’apanage de la communauté scientifique, il s’ouvre désormais aux touristes du monde entier. Mais y voyager est un privilège, d’autant plus à l’heure du changement climatique. Pour s’assurer de ne pas bouleverser ce fragile écosystème, il est essentiel de bien choisir les gens avec qui on le visite.
Texte — Florence Sara G. Ferraris
Photos — Jad Haddad
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C’est en silence que le voyageur fait ses premiers pas en Antarctique. Seul le vent accompagne délicatement sa rencontre avec le géant de glace. Au large, une baleine à bosse pourfend l’eau, tranquille, alors que des dizaines de manchots — papous, royaux, à jugulaire et Adélie — sillonnent la berge. Des amoncèlements rocheux surplombés de neige pointent vers le ciel, rompant la ligne d’horizon où mille-et-un tons de bleu forment un vibrant camaïeu polaire.
«C’est un lieu unique au monde!», lance en souriant Jad Haddad, directeur de Terres d’Aventure Canada. Depuis quelques années, l’entreprise spécialisée en voyages d’aventure propose une série de périples au cœur de cette région enneigée. «Rien n’est à échelle humaine ici: l’Antarctique est plus grand que nature et reste, encore aujourd’hui, l’un des rares territoires quasi intacts de la planète.»



Il faut dire que la péninsule, située à l’extrémité de l’hémisphère Sud et isolée par de périlleux couloirs maritimes, n’est pas aisément accessible. Son exploration demeure par ailleurs assez récente — les expéditions contemporaines datent du début du 20e siècle. «En soi, la traversée a quelque chose de mythique, raconte-t-il, le regard brillant. On navigue dans les traces d’explorateurs de renom.» Entre autres, le célèbre commandant français Jean-Baptiste Charcot, à qui l’on doit le premier hivernage scientifique au large du continent austral.

Terre d’apprentissages
Aux yeux du voyageur aguerri, «l’Antarctique se mérite». Pour y aller, il faut d’abord se rendre «au bout du monde», à Ushuaïa, en Argentine. C’est là, aux limites de la Tierra del Fuego, à plus de 11 000 km de Montréal, que les globetrotteurs embarquent à bord d’un petit navire d’exploration — on y compte une centaine de places, tout au plus — pour une traversée de deux jours, sur une mer parfois agitée. «Ce n’est pas un voyage facile, précise encore le directeur. Mais l’équipage est expérimenté et connait bien les différents caps à emprunter. En plus, comme la salle des commandes est accessible la plupart du temps, il est possible de comprendre comment les choses fonctionnent, ce qui augmente d’un cran le sentiment de sécurité.»
Car plus qu’un simple voyage, ce séjour est une occasion inédite de constater de visu les conséquences du changement climatique.
Véritable camp de base, le navire est le théâtre d’enrichissantes rencontres. Entre les passagers, bien sûr, mais aussi avec l’équipe de guides chevronnés, qui détiennent des formations éclectiques — de la glaciologie à la science politique, en passant par la biologie et l’océanographie. Ce sont eux, d’ailleurs, qui accompagnent les voyageurs dans chacune de leurs incursions sur la péninsule. Au nombre de deux par jour, ces sorties en Zodiac leur permettent d’aller à la rencontre du continent, de ses trésors polaires et de sa faune. C’est justement là, au milieu des icebergs éclairés par le soleil couchant, que Jad Haddad et ses compagnons ont pu admirer la valse aquatique d’une famille d’orques.
Tout au long de l’aventure, les guides proposent aussi une foule de conférences thématiques, histoire de mettre en lumière les multiples facettes de ce territoire unique et de relever la précarité de son écosystème. «En plus d’offrir un accès privilégié à une nature majestueuse — à pied, en kayak, voire en plongée! —, ce séjour est un espace de discussions incomparable, ajoute le directeur de Terres d’Aventure Canada. L’Antarctique attire des voyageurs curieux, qui ont soif de découvertes. Pour plusieurs, c’est une expérience à laquelle ils ont rêvé toute leur vie.» Et qui fait d’eux de précieux ambassadeurs de la région.

Nécessaire équilibre
«On ne visite pas l’Antarctique pour rayer une destination de sa liste», renchérit Laura Mony, géologue de formation et guide d’expédition depuis décembre 2018. C’est un périple que peu de gens peuvent se permettre; en général, ils partent avec un intérêt déjà marqué et en reviennent complètement transformés. »
Car plus qu’un simple voyage, ce séjour est une occasion inédite de constater de visu les conséquences du changement climatique. Situé à la confluence de tous les grands courants marins, l’Antarctique est en effet l’un des rares endroits où l’on peut observer ce grand bouleversement; celui-ci s’y manifeste notamment par la fonte des glaces ou la disparition de certaines colonies de manchots, souligne la guide, qui a elle-même examiné ces phénomènes durant ses études. «Est-ce que ça veut dire qu’il ne faut pas y aller?, demande-t-elle avec prudence. Je ne pense pas. Il faut plutôt choisir avec qui on y va et opter pour des entreprises comme Terres d’Aventure, qui proposent une expérience écoresponsable.»



L’organisation veille par exemple à respecter les quotas touristiques imposés pour chacun des sites visités et à réutiliser l’eau souillée à bord du navire pour éviter le rejet de contaminants. « Personne ne revient de l’Antarctique indifférent, insiste pour sa part Jad Haddad. Constater son immensité, mais aussi sa grande vulnérabilité est, à mon sens, une excellente façon de s’ouvrir les yeux sur la fragilité du monde. »
Depuis 1976, Terres d’Aventure permet aux voyageurs passionnés de découvrir la planète différemment. Proposant la plus grande offre de voyages d’aventure en français au monde — elle s’est établie à Montréal et à Québec en 2012 —, l’organisation privilégie en effet une approche écoresponsable et carboneutre; elle mise sur l’exploration douce et la marche, pour amener les touristes à bien comprendre chacune des destinations visitées. Son volet « Antarctique », pour lequel elle est l’une des pionnières, compte aujourd’hui une dizaine de voyages différents. Terres d’Aventure est membre de l’International Association of Antarctica Tour Operators (IAATO).
Florence Sara G. Ferraris est journaliste indépendante depuis 2011. Elle aime collectionner les morceaux d’histoire et les cailloux qui traversent sa route. Touche-à-tout, elle a un penchant naturel pour les enjeux urbains et environnementaux. Elle est diplômée en journalisme et fait présentement une maitrise en études urbaines à l’Université du Québec à Montréal.
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