Besiders
Faire des vagues
Allier deux passions: le fleuve et le SUP. C’était le projet de Jane-Anne Cormier lorsqu’elle est revenue au Havre après dix ans dans la métropole pour y fonder Les Vagues.
Texte & photos — Marie-Pier Bastien & Dominic Faucher
Au bout de la 138 existe un petit coin de paradis que les habitués appellent «le Havre». Un diminutif pour Havre-Saint-Pierre: un village de 3 460 habitants assis sur le 50e parallèle en face de l’ile d’Anticosti. La définition même du mot «havre» donne une idée claire de ce qui vous attend là -bas.
La route peut être longue pour ceux qui ont le mal des transports: 1 115 km séparent le Havre de Montréal. Mais «c’est bien comme ça», répond Jane aux taquineries qu’on lui lance après deux jours sur la route des Baleines: «C’est l’une des raisons qui font que c’est spécial, ici.» On découvrira bientôt que le mot «spécial» qu’elle emploie pour décrire son coin de pays est faible pour qualifier l’expérience qu’on s’apprête à y vivre.


Être émerveillé
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Il fait 21 ˚C. Une remorque lettrée est stationnée à reculons sur le bord du fleuve au coin de la rue de l’Anse, à Havre-Saint-Pierre. Sur la plage, deux jeunes femmes préparent des planches à pagaie en rangée sur le sable blanc en riant. Derrière elles: le fleuve infini reflète le soleil. Le calme est interrompu à l’occasion par le souffle des rorquals et les cris des macareux moines au loin.
On se sent sur la page couverture du National Geographic.

Jane sort de son école de SUP, débordante d’énergie. Dans ses yeux, la fierté d’avoir convaincu des gens de la ville d’avoir fait un détour de 1 000 km. Elle nous pointe le fleuve en criant: «Pis, c’est pas pire, hein!» On comprend vite ce qui l’anime avec son projet d’école de SUP. Le Saint-Laurent est, selon elle, le prétexte parfait pour rapprocher les gens de la nature, les calmer, les reconnecter. Si son pitch de vente est convaincant, sa programmation estivale l’est tout autant.
On peut lire les différentes aventures qui s’offrent à nous sur le menu de l’école. Cours d’initiation au SUP, Yoga SUP, Fit SUP, excursions diverses et même Mini-SUP: une activité de découvertes pour les enfants de moins de huit ans qui ne sont pas autorisés légalement à naviguer avec des planches. Elle me dit que son bestseller reste l’Exode: une série de périples de quelques jours qui combinent yoga, SUP et camping en nature aux abords du fleuve. Une activité sold-out chaque année.


Jane tient mordicus à multiplier les occasions d’être sur l’eau pour un public de tous les âges: «Ça fait 30 ans que je m’émerveille devant la faune et la flore qu’il y a ici. Je veux partager ça avec les gens, sachant que ça risque de les émerveiller eux aussi», dit-elle debout parmi ses planches avant notre randonnée. «L’écosystème de la Côte-Nord est époustouflant: baleines diverses, oiseaux marins, flore rare, plages de sable font partie du décor, ici. Il faut que le monde voie ça!» finit-elle, essoufflée par sa très longue phrase.
Elle insiste sur l’approche responsable de ses activités. À la base, le surf à pagaie est une façon naturelle de découvrir le fleuve: «C’est lent, tranquille, sans moteur, les animaux viennent vers nous s’ils le désirent, on a le temps de regarder, d’interpréter, et, en plus, de se garder un peu en forme.» Les Vagues font d’ailleurs des séances de nettoyage des berges sous l’appellation Beach Clean Up: une raison additionnelle de se rassembler autour du fleuve et de lui donner un coup de pouce pour ce qu’il nous fait vivre en retour au quotidien.

Quitter Montréal
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On se remet tranquillement des émotions que Jane nous a fait vivre sur l’eau. Sans grands efforts, elle a repéré un groupe de jeunes rorquals communs au-dessus duquel on a pu pagayer.
Ça fait différent du SUP qu’on fait avec les menés au chalet, disons-le comme ça.
Le soir venu, elle nous explique pourquoi elle a décidé de quitter Montréal en 2016: le Havre vivait des difficultés économiques. La mine, le principal employeur du secteur, réduisait ses activités. La quincaillerie fermait aussi ses portes. Jane est d’ailleurs bien au parfum des hauts et des bas du village: son oncle (Pierre Cormier) en est le maire.


Elle voulait faire partie de la solution.
«J’ai eu l’idée d’allier ma passion pour le Havre et ma passion pour la planche, histoire de donner un coup de pouce à mon coin de pays», dit-elle devant un feu sur la plage. Malgré son copain et ses principaux cercles d’amis qui vivent à Montréal, le retour dans son patelin était non négociable pour la jeune femme d’affaires. Elle voulait montrer l’exemple: revenir pour investir en région malgré l’attrait des grands centres.
Il faut de la motivation.
Sans s’attribuer le vent de renouveau qui se fait sentir au village depuis les dernières années, elle constate que le Havre reprend doucement du poil de la bête. Une distillerie a ouvert ses portes. La quincaillerie est rouverte. Les activités de la mine sont stables. Les touristes comme les gens du Havre sont maintenant clients de l’école. «Des fois, y a des gens qui viennent plusieurs fois par jour louer des planches», dit-elle, étonnée, mais contente de constater le succès de la chose.

Plonger dans la vague
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La COVID-19 a eu un impact important sur Les Vagues. Même si la saison ne débute qu’en juin, les bookings et le trafic présaison n’étaient pas tout à fait au rendez-vous. Contrairement au découragement qu’affichent certains gens d’affaires, Jane-Anne ne bronche pas une seule seconde.
«On va rouvrir notre boutique [physique] bientôt, on attend juste les livraisons qui sont retardées à cause de la crise», dit-elle en parlant de son projet de commerce. Un endroit où vêtements, maillots de bain, accessoires et produits locaux sonts offerts dans une ambiance chaleureuse. Sans oublier que les activités de l’école vont bon train et que les populaires périples de la série l’Exode sont en voie d’être sold-out malgré tout.


Coucher de soleil Ă l’horizon, c’est avec un sourire dans la voix que Jane-Anne rĂ©pond Ă notre dernière question. Qu’en est-il du futur des Vagues au Havre? Elle nous fait comprendre, avec ses demi-rĂ©ponses, qu’elle ne fait que commencer Ă investir chez elle. La seule chose qu’elle peut nous dire, c’est que ce seront des projets basĂ©s sur cette mĂŞme passion pour la nature qui l’anime depuis bientĂ´t cinq ans. «N’écrivez rien lĂ -dessus parce qu’il n’y a rien de confirmĂ©, mais ça a le potentiel de devenir vraiment gros, ici.»Â
Comme quoi on peut bientôt s’attendre à plus de vagues au Havre.
Depuis 2014, Dominic Faucher est directeur de création et associé de l’agence Orkestra, à Gatineau. Mariepier Bastien est doctorante en éducation à l’Université d’Ottawa. Ensemble, ils forment le duo derrière Vanlife Sagas: un projet de création de contenu relatif au monde du vanning en Amérique du Nord.
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