Leurs vies sur la montagne

Le parc national du Mont-Tremblant fête ses 125 ans. Derrière l’histoire de ce territoire luxuriant, il y a celle des humains qui travaillent à le préserver.

Texte—Mélanie Gagné
Photos—Alexandra Côté-Durrer
Illustrations—Florence Rivest

En partenariat avec

On l’appelait la montagne Tremblante. Selon une légende algonquine, ce mont des Laurentides méridionales frémissait chaque fois qu’une personne enfreignait les lois sacrées du respect de la nature. Aujourd’hui, on s’assure de protéger le territoire sur lequel il s’élève, et qui forme le parc national du Mont-Tremblant.

Cette année, on le célèbre. Lui, et ses 400 lacs — comme des miroirs à travers les forêts d’érables, de bouleaux jaunes, de sapins baumiers et de clintonies boréales —, ses 6 rubans de rivières, ses montagnes, ses chutes et ses rives sablonneuses. Le parc national du Mont-Tremblant a 125 ans.

Le parc au fil du temps 

Pour raconter son histoire, il faut retourner en 1894. Le médecin Camille Laviolette veut alors bâtir un sanatorium sur la montagne Tremblante; il souhaite que les malades — atteints de tuberculose, notamment — profitent des bienfaits du paysage et de l’air pur. Le 12 janvier 1895, le parc de la Montagne-Tremblante voit le jour, mais le projet de sanatorium, lui, échoue.

De 1895 à 1961, l’exploitation forestière constitue l’activité majeure du parc. Les pins et les épinettes de grand diamètre sont recherchés pour répondre aux besoins des États-Unis en bois d’œuvre. Au début du 20e siècle, c’est la production de pâte à papier qui prend le dessus; les cours d’eau deviennent des chemins pour le transport du bois vers les usines, ainsi que vers les moulins à scie.

Des clubs privés possèdent les privilèges de la chasse et de la pêche, et profitent de l’abondance du gibier et du poisson.

En 1930, des groupes de pression, amoureux de la nature, commencent à réclamer la création d’un parc qui serait plutôt voué à la conservation du territoire.

Tweet

On joue de plus en plus sur la montagne. Le skieur norvégien Herman Smith Johannsen, dit Jackrabbit, explore la vallée de la Diable dès la fin des années 20. Il contribuera au défrichement des premières pistes de ski au début de la décennie suivante. En 1958, le parc est, pour la première fois, ouvert au public. Les visiteurs s’y rendent pour faire du camping au lac Chat. L’offre d’activités récréatives de plein air se bonifie, et le secteur de Saint-Donat se développe.

En 1977, la Loi sur les parcs est adoptée. La chasse et l’exploitation des ressources naturelles sont dorénavant interdites. Quatre ans plus tard, le parc du Mont-Tremblant est fondé. La Société des établissements de plein air du Québec (Sépaq), elle, hérite de la gestion des parcs en 1999.

C’est peu de temps après, en 2001, que la mission de conservation du parc est confirmée — tout comme son statut de parc national. Depuis, des travaux sont réalisés pour restaurer les bandes riveraines où se trouvent des lieux de reproduction, ainsi que des aires d’alimentation et de nidification pour plusieurs espèces animales.

Aujourd’hui, les gens visitent ce terrain de jeu pour y faire de la randonnée à pied, à ski ou à vélo, des activités aquatiques (kayak, canot, rabaska, etc.), du camping, ou simplement pour profiter d’un séjour dans un chalet en pleine nature.

 

***

Suzanne Coutu, Stéphane Decelles et Éric Normandeau font partie des employés du parc national du Mont-Tremblant — ils sont environ 169 en été et 29 en hiver. L’ambiance de travail et l’environnement bucolique dans lesquels ils évoluent au quotidien leur ont donné envie d’y rester pour toujours.

Suzanne

_____________

 

Suzanne Coutu est entrée au parc à 17 ans. Elle devait y travailler temporairement pendant ses études, mais n’est jamais repartie. Elle est aujourd’hui coordonnatrice au service à la clientèle dans les secteurs de la Pimbina et de l’Assomption.

« Ma vie entière est liée au parc ! J’ai un attachement particulier pour lui. J’ai vécu toutes sortes de choses ici : mes deux grossesses, notamment. »

Suzanne est en poste depuis 45 ans. « Quand j’ai commencé, il y avait moins de protection de la nature. On pouvait camper n’importe où, il y avait de la pêche, les gens sortaient beaucoup de poissons. J’ai vu l’évolution vers le mieux. Maintenant, c’est contrôlé, protégé; les emplacements de camping ont été réduits. Il y a des territoires où l’on ne peut plus aller. »

Chose certaine, elle transmet bien sa passion pour la nature à ses équipes et aux visiteurs : « On se fait souvent dire : “Mon Dieu que vous avez l’air d’aimer votre travail ! Vous êtes toujours de bonne humeur !” » Et la retraite, y songe-t-elle ? En riant, elle lance : « Je ne serai pas capable de partir de moi-même ! »

Suzanne aime particulièrement le sentier qui mène à la Chute-aux-rats. Elle y venait, petite, en piquenique avec ses parents. Elle en garde d’heureux souvenirs.

Stéphane

_____________

 

Stéphane Decelles est préposé aux services collectifs dans le parc depuis qu’il a 18 ans — il en a maintenant 51. Mais il fréquente le lieu depuis bien plus longtemps : « Ma famille vient de Montréal. Mes vacances d’été d’enfance, je les ai passées ici. »

C’est peu dire que l’histoire des Decelles est intimement liée au parc national du Mont-Tremblant. « Ma mère, mon père, mon frère et l’une de mes sœurs y ont aussi travaillé. Mon père, par exemple, était garde-parc. C’est mon héros : il m’a transmis sa passion pour la nature, les animaux, les arts », confie Stéphane.

Le journalier fait des travaux d’entretien ménager, de peinture; il nettoie aussi les terrains et tond le gazon. « Je ne suis jamais enfermé entre quatre murs. C’est ça qui me plait, ici. Je suis libre », fait-il valoir. Stéphane traine souvent son appareil photo avec lui, au cas où il verrait des animaux. Dans ses temps libres, il peint — c’est d’ailleurs lui qui a créé le grand visage de loup, l’animal emblématique du parc, sur le mur de la cuisine des employés.

Éric

_____________

 

Éric Normandeau, 47 ans, est garde-parc patrouilleur en hiver et garde-parc naturaliste en été. Il travaille sur ce territoire depuis 25 ans.

« Je dis souvent aux gens, à la blague : “Regardez mon bureau : je ne peux pas être en burnout  ici !” Mon environnement de travail est magnifique avec ses 400 lacs, ses 1 510 km2, ses montagnes, ses forêts à perte de vue, sa nature. »

Tweet

À ses débuts, note Éric, le parc accueillait une clientèle typiquement québécoise. « Maintenant, avec la station touristique du Mont-Tremblant qui s’est développée, la clientèle s’est transformée; elle est beaucoup plus internationale. Ce sont surtout des Européens, des gens qui rêvent de nature québécoise, canadienne. Quand ils rencontrent un garde-parc naturaliste, ils ont des questions. Ils sont fascinés. »

Au public, Éric fait découvrir le loup et l’ours noir, entre autres. « Le loup, c’est un grand prédateur. Je le trouve mystérieux ! Certaines personnes en ont très peur, d’autres voudraient en voir un, comme si c’était un animal domestique. On l’aperçoit rarement, parce qu’il est nocturne et sauvage, mais on peut voir ses empreintes, ses excréments, les carcasses qu’il a laissées. » Selon Éric, on peut aussi déceler la présence de la martre, de la loutre, du pékan, du vison, et entendre les vocalises du plongeon huard.

Les premières années, le garde-parc a passé tous ses congés sur le territoire, par passion. « Mon coin préféré, pour l’avoir exploré en kayak de mer, c’est le lac des Cyprès — le plus vaste du parc. C’est un espace extrêmement sauvage. On y trouve de grandes baies avec des herbiers aquatiques à perte de vue. Quand les plantes sont en floraison, c’est magique. »

La Société des établissements de plein air du Québec (Sépaq) met en valeur les territoires et les actifs publics qui lui sont confiés, et en assure la pérennité au bénéfice de sa clientèle, des régions du Québec et des générations futures.

Le parc national du Mont-Tremblant a été le premier à faire partie du réseau des parcs nationaux du Québec, administrés par la Sépaq depuis 1999. Aujourd’hui, la Sépaq rassemble 23 parcs nationaux ainsi qu’un parc marin géré conjointement avec le gouvernement fédéral — celui du Saguenay–Saint-Laurent. En tout, cela représente plus de 7 017 km2 de territoires protégés uniques, aux quatre coins de la province.

Mélanie Gagné est créatrice de contenu et enseignante à Matane. Le fleuve, toujours là dans son histoire depuis l’enfance, l’impressionne, l’émerveille, l’apaise, l’inspire. Elle aime la vie en région avec sa famille, les randonnées sur la grève et en montagne, les marchés publics, la poésie et les cafés.

Partagez cet article

Cet article a été publié dans le numéro 08.

Infolettre

Pour recevoir les dernières nouvelles et parutions, abonnez-vous à notre infolettre.