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Danser avec les moutons

Un rancher du Montana redonne vie à un art perdu.

Costaud et robuste, Mike Schuldt correspond parfaitement à l’image qu’on se fait d’un rancher du Montana.

C’est que l’art de la tonte exige une force brute: impossible, sinon, de contenir un animal agité de 115 kg. Or, le large sourire, l’esprit vif et le tempérament sociable de l’homme viennent adoucir les apparences. Et quand on voit avec quel soin il manipule chaque bélier et chaque brebis, on comprend à quel point il aime son métier.

Devenir tondeur de moutons ne faisait pas partie des plans de Schuldt. En 1983, alors qu’il étudiait à l’Université d’État du Montana et qu’il avait du mal à joindre les deux bouts, un ami lui a appris qu’il pouvait gagner 300 dollars par jour en prélevant la précieuse laine. Ayant grandi dans une communauté d’éleveurs de bétail qui appelaient les blancs ruminants des land maggots (vers de pâturage), il a été surpris de voir qu’il était, finalement, plutôt doué pour la tonte.

 

«Je n’ai pas vraiment reçu de formation; le gars qui m’a enseigné avait lui-même appris de son voisin, 20 ans plus tôt», se rappelle-t-il.

En 2006, pas loin de 25 ans après avoir commencé à pratiquer le métier, Schuldt a décidé qu’il était temps de se perfectionner. Il avait entendu parler d’une technique développée par un célèbre agriculteur et tondeur de moutons néozélandais, Godfrey Bowen. Le secret de cette approche appelée «la danse»? Un jeu de jambes bien particulier, qui permet de réduire le stress chez les animaux et d’améliorer les rendements. Dès son retour de la Nouvelle-Zélande, Schuldt a mis en pratique ses apprentissages: les résultats ont été immédiats et durables.

«Impossible d’apprendre ça par soi-même: il faut quelqu’un pour te montrer chacun des mouvements et t’indiquer le bon moment pour les effectuer. Le jeu de jambes a complètement changé la façon dont je procède.»

Si la tonte des moutons existe depuis des milliers d’années, il est de plus en plus difficile de trouver des tondeurs qualifiés — du moins, dans l’ouest des États-Unis. D’après Schuldt, cette situation s’explique par la nature physiquement exigeante du travail. Nombre de tondeurs âgés souffrent en effet de problèmes de dos. Aussi, comme il s’agit généralement d’un boulot saisonnier, il est ardu de recruter des jeunes, qui voient la tonte comme un hobby démodé et peu lucratif. Malgré tout, Schuldt reste attaché à son métier et fait preuve d’un dynamisme contagieux: il travaille toute l’année avec des étudiants de l’Université d’État du Montana à titre d’agent de vulgarisation, en plus de voyager pour participer à des compétitions, dont il sort souvent gagnant.

En 2019 seulement, Schuldt aura tondu plus de 7 000 moutons. Pendant la saison haute, au printemps, il peut en tondre 130 par jour en moyenne. «Mon record, c’est 227 en une seule journée!», dit-il, un fier sourire aux lèvres. 

Quand on observe Schuldt à l’oeuvre, on a effectivement l’impression d’assister à une danse: son corps et celui de l’animal s’enchevêtrent dans un mouvement empreint d’une grâce pure et saisissante. L’homme retient le corps du mouton entre ses jambes pendant qu’il s’occupe du cou et des pattes, et applique une pression sur certains groupes musculaires pour étirer au maximum la peau entre les membres. Il peut ainsi faire glisser en douceur le rasoir sur la peau et éviter de le blesser. En moins de trois minutes, le volumineux mouton se transforme en une version ratatinée et dénudée de lui-même. La technique est rapide, efficace et sans douleur pour les deux parties. Schuld en retire d’ailleurs une profonde satisfaction, car il ne tolère aucune forme de maltraitance envers les animaux. Au cours des dix dernières années, des cas de cruauté ont été rapportés dans l’industrie de la laine, en particulier dans les ranchs ruraux non règlementés. Une pratique barbare appelée mulesing persiste. Elle consiste à placer les moutons sur le dos, à retenir leurs pattes à l’aide de barres de métal et à procéder à l’ablation d’une partie de la peau de l’arrière-train, la plupart du temps sans analgésique. C’est une pratique évidemment très douloureuse et traumatisante.

«Si j’entends parler d’un tondeur qui est agressif ou cruel envers les animaux, ou si je suis témoin de ce genre de comportement, l’individu est dehors. Aussi simple que ça. J’ai la réputation d’être intègre: je ne vais pas regarder un animal souffrir sans rien faire.»

Schuldt entend transmettre sa soif d’apprendre à ses étudiants et renouveler la façon dont on exerce cet art perdu. En plaçant l’animal au cœur de la pratique, entre autres: «La machinerie n’a pas beaucoup changé au fil du temps. En revanche, l’importance accordée à la technique et à la relation entre le tondeur et le mouton a permis de doubler, voire de tripler les rendements.» On doit prendre soin de ces animaux, insiste-t-il. «On en connait bien plus long qu’avant sur la prévention de la souffrance.»

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Jainee Dial est écrivaine et cofondatrice de Wylder, un détaillant en ligne qui s’adresse aux amatrices de plein air. Elle est profondément fascinée par la manière dont la créativité, la pleine conscience, le militantisme et l’entrepreneuriat peuvent s’imbriquer. Quand elle n’écrit pas des histoires, elle en profite pour monter à cheval ou grimper dans les montagnes. 

BESIDE Numéro 06

Comment conservons-nous nos traditions?

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