Cet article fait partie du Dossier Pollinisation extrême

Chapitre 06

La ferme fruitière de demain

Sur la ferme-école de l’Institut national d’agriculture biologique (INAB) du cégep de Victoriaville, ce sont les élèves qui butinent. Ils sont 11 à faire partie du nouveau programme de culture fruitière bio, mis en place il y a deux ans en réponse à l’intérêt grandissant pour ce champ d’activité. Entre la forêt nourricière, le verger, les serres, le jardin et le rucher, ils expérimentent et réfléchissent.

«Nous, ce qu’on dit, c’est qu’il y a une demande au Québec pour des fruits biologiques, pis qu’on est capables d’y répondre», soutient Maya Boivin-Lalonde, enseignante au département d’agriculture de l’INAB. Ce sont des vivaces qui subsistent année après année «grâce aux hivers québécois, qui coupent le cycle des maladies», ajoute-t-elle. «Ça nous aide à faire ça biologique.»

Les élèves, âgés de 20 à 40 ans, savent qu’il faut avoir les reins solides pour démarrer une ferme fruitière, si on considère que les arbres ne produiront pas de fruits avant trois ans.

D’ailleurs, ils n’ont pas tous des envies d’entrepreneuriat. Certains rêvent tout simplement d’autosuffisance, et savent que l’achat local et biologique passe par l’éducation. «J’ai déjà converti quelques personnes!», lance fièrement Elisabeth Christopherson, 31 ans, chargée aujourd’hui de préparer la bande florale qui servira à concocter des gelées.

«J’aime l’idée de construire quelque chose qui me survivra», ajoute Valentin Mohy, 23 ans. Valentin n’est pas pressé. Entre ce printemps pandémique qui s’achève et le moment où il boira un premier verre de cidre dans son verger biologique du Saguenay — une région plus nordique où il rêve d’agroforesterie —, une décennie pourrait bien s’écouler.

Ici, le modèle de ferme minimaliste et diversifié proposé par Stefan Sobkoviak polarise, quand il n’est pas carrément inconnu. «J’ai ben de la misère avec la permaculture, parce que moi, je veux gagner ma vie autrement qu’en écrivant des livres et en accueillant des employés qui ne sont pas payés», s’insurge Simon Jalbert, étudiant de 34 ans.

Lorsqu’ils auront terminé leur cours, les finissants pourront demander certaines subventions pour les aider à démarrer leur entreprise. Des sommes allant jusqu’à 50 000$, accessibles sous certaines conditions. Ce sont des montants dérisoires pour une ferme qui ne produira pas de fruits les premières années, et qui nécessitera d’investir dans l’achat d’une terre et d’équipements.

Pour le moment, les programmes gouvernementaux avantagent principalement les grosses cultures, axées sur le volume — un modèle rentable qui représente moins de risques pour la Financière agricole du Québec. Or, les fermes biologiques diversifiées cadrent mal dans les modèles d’affaires du mapaq et des institutions financières, qui prennent peu en compte les exceptions.

Simon Jalbert, 34 ans, a cueilli des cerises dans l’Ouest pendant 15 ans. Maintenant, il souhaite offrir des variétés de cerises sucrées et biologiques au consommateur, en évitant de tomber dans la monoculture. Il désire aussi se procurer une surgeleuse pour en faire des provisions.

Guillaume Bélanger et Valentin font partie des étudiants, chercheurs et agriculteurs marginaux qui réfléchissent au rôle des abeilles dans la culture fruitière. L’an dernier, celles du rucher-école étaient stressées, faute de nourriture. «On essaie de rééquilibrer le ratio abeilles domestiques/pollinisateurs indigènes», m’explique Guillaume, 23 ans.

Alors, dans combien de temps pourrons-nous voir une plus grande offre de fruits locaux bios sur les tablettes?

«D’ici cinq ans!», répond Maya, optimiste.

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