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Les protéines de demain

L’avenir sera-t-il sans viande ?

C’est un constat de plus en plus répandu : il nous faudra éliminer la viande de notre alimentation, et ce, pour plusieurs raisons.

Le changement climatique est indissociable des déchets, de la pollution et des émissions de gaz à effet de serre produits par l’élevage et la transformation du bétail. D’autres sources de protéines — comme les insectes comestibles et les substituts de viande d’origine végétale — constituent des options tout à fait valables, en ce qu’elles peuvent nourrir plus de gens en laissant une empreinte environnementale moindre. Enfin, la cruauté du système agro-industriel moderne est tout simplement insoutenable, pour quelque être vivant que ce soit.

Or, comment arriverons-nous à éliminer la viande de notre alimentation après en avoir mangé pendant des milliers d’années ? Après avoir carrément bâti des empires culinaires autour du vaste éventail de saveurs qu’elle offre ? Après avoir observé une accélération du développement du cerveau humain en raison de notre position au sommet de la chaine alimentaire ? Le combat sera aussi psychologique que physio-logique, semble-t-il.

Et si nous misions sur le gout ? Avec le soutien financier de grands groupes comme Google Ventures, de nombreux scientifiques, chefs, bouchers et entrepreneurs travaillent activement au développement de substituts à la viande. Surtout, ils cherchent à dévelop-per des moyens créatifs de séduire notre palais afin de nous aider à adopter une alimentation plus durable. Parce que nous ne devrions pas avoir à sacrifier le gout lorsque nous faisons un choix éthique.

Photo : Spencer Lowell
/ Trunk Archive

La viande impossible

Un nombre croissant de startups de la Silicon Valley affirment en effet que nous pouvons remplacer la chair animale sans avoir à ajuster nos préférences alimentaires. Depuis des années, elles tentent de recréer l’umami, un gout que l’on trouve naturellement dans la viande, en utilisant des ingrédients végétaux comme le blé, le maïs, le soja, la noix de coco et la pomme de terre.

Chez Impossible Foods, une équipe de R et D a fait une découverte qui a révolutionné son approche de la viande végétale : la molécule hème, qui est en grande partie responsable de l’umami, est aussi présente dans les plantes. Elle peut donc être extraite dans le but de recomposer le gout de fer, de sang et de gras typique de la viande. L’entreprise a commencé par cultiver du soja pour en isoler l’hème, puis elle a bifurqué vers la manipulation génétique : dorénavant, elle synthétise la précieuse molécule et diminue ainsi son empreinte environnementale.

Ethan Brown, le PDG de Beyond Meat, dont le Beyond Burger est devenu un succès mondial, défend une approche semblable. Il croit que la solution est d’ordre étymologique : « Et si on définissait la viande par ce qu’elle contient — des acides aminés, des gras, des glucides, des minéraux et de l’eau — plutôt que par l’animal dont elle est issue ? On obtiendrait alors la viande de demain, une viande provenant de plantes, de champignons, voire d’insectes. »

Photo: Jonas Marguet

La saucisse du futur

De son côté, la designer et chercheuse néerlandaise Carolien Niebling privilégie une stratégie complètement différente pour introduire dans notre alimentation des protéines trop souvent négligées. Avec des chefs et des bouchers du monde entier, comme Brent Young, du Meat Hook, à Brooklyn, et Gabriel Serero, de Lausanne, en Suisse, elle a décidé de se servir du plus populaire des aliments tubulaires : la saucisse. Créée pour tirer profit des restes par l’utilisation de techniques de conservation comme le séchage, le fumage, le salage et la fermentation, la saucisse est l’un des plus vieux aliments transformés au monde.

D’après Niebling, la saucisse peut contribuer à éliminer le gaspillage, mais aussi nous permettre de nous familiariser avec de nouveaux ingrédients de base, comme le varech, les grains anciens, les noix, les herbes et les insectes. Plusieurs bouchers s’efforcent d’ailleurs de fabriquer des saucisses entièrement véganes, et créent des peaux végétales faites de cire d’abeille, d’algues et de feuilles de plantes.

Niebling a découvert que «l’obstacle qu’il faut le plus souvent surmonter est d’ordre mental. Nous avons déjà les machines, les techniques et les ingrédients pour créer les saucisses de demain, mais nous évitons certains aliments parce qu’ils nous répugnent, et non pas parce qu’ils sont mauvais pour nous». Paul Rozin, professeur de psychologie à l’Université de Pennsylvanie, explique que le dégout est une réaction que le corps produit pour se protéger contre les substances potentiellement nocives.

En introduisant dans notre alimentation des ingrédients qui nous semblent peu appétissants, la saucisse peut faciliter la transition vers un avenir culinaire plus durable… et éveiller notre curiosité en stimulant nos papilles gustatives.

*L’ouvrage de Carolien Niebling, intitulé The Sausage of the Future (Lars Müller Publishers/ECAL, 2017), répertorie différents types de saucisses ainsi que des ingrédients moins connus, soigneusement sélectionnés pour les possibilités qu’ils offrent.

La nouvelle frontière 

Vous n’avez pas d’objection à gouter les fausses viandes d’origine végétale et les saucisses du futur? Voyons maintenant ce que vous pensez de l’entomophagie. La plupart des Occidentaux sont réticents à manger des insectes, même s’ils font partie de notre alimentation depuis des millénaires (eh oui, vos ancêtres étaient partiellement insectivores!) et qu’ils constituent un mets raffiné dans de nombreuses cultures. Déterminé à lever cette barrière, Josh Evans, chercheur principal au Nordic Food Lab—une organisation à but non lucratif associée au restaurant étoilé Michelin Noma, à Copenhague—, a parcouru les quatre coins de la planète pour explorer les différents profils de gout des insectes.

* Ces photos percutantes ont d’abord été publiées dans On Eating Insects (Phaidon, 2017). L’ouvrage, rédigé par l’équipe du Nordic Food Lab, offre une vue d’ensemble de la cuisine des insectes. Il contient des recettes, mais aussi des anecdotes recueil-lies sur le terrain, des notes de dégustation et des essais sur ce que signifie la consommation de ces petites bêtes sur les plans culturel, politique et écologique.. Photos : Chris Tonnesen

Ses collègues et lui considèrent comme un crime de cacher des criquets, des vers de farine et des fourmis dans les pâtes alimentaires, les barres énergétiques ou les viandes transformées. Ils croient plutôt qu’il faut exploiter la grande diversité de gouts et de textures qu’offrent ces petites bêtes protéinées. Leur tournée internationale leur a permis d’acquérir des nouvelles connaissances dont ils se sont déjà inspirés pour créer des plats innovants, notamment une mousse de larves de papillon de nuit servie avec des morilles et des noisettes fumées, ou encore des larves d’abeille arrosées d’huile de racine de clou de girofle et accompagnées de chanvre.

Le travail du Nordic Food Lab prouve que les insectes peuvent non seulement assurer notre subsistance, mais aussi servir d’ingrédients de base dans des plats gastronomiques. Leur élevage est par ailleurs plus respectueux de l’environnement que celui d’autres animaux. Pour que les choses changent, nous devrons toutefois nous débarrasser du dégout qui colonise notre curiosité. Et si nous acceptions simplement la présence des insectes dans l’alimentation de l’avenir? Après tout, Justin Timberlake lui-même a servi des fourmis à l’ail noir et à l’huile de rose au lancement de son plus récent album.

Photo: Noortje Knulst

Devenir des «futurivores» 

L’alimentation de demain pose des défis importants pour l’ensemble de la population mondiale. Nous devons apprendre à chercher des réponses dans des aliments qui, en plus de satisfaire nos papilles gustatives, respectent des critères éthiques. Certains soulignent cependant que la production à grande échelle de fausses viandes végétales exigera la mise en place de vastes monocultures, et dépendra d’ingrédients génétiquement modifiés et fabriqués en laboratoire—et ils n’ont pas tort. On sait par ailleurs ce qui arrive quand de grandes entreprises accèdent à un nouveau marché, comme celui de l’élevage d’insectes comestibles: elles ont tendance à s’approprier les ressources naturelles et à exploiter les communautés vulnérables.

Pour que les choses changent, nous devrons nous débarrasser du dégout qui colonise notre curiosité.

Êtes-vous prêt à relever le défi d’une nouvelle industrie alimentaire responsable? Votre petite ferme bio contribuera-t-elle à approvisionner en hème végétal la nation entière? Votre restaurant se prépare-t-il à servir des plats adaptés au régime du futurivore?

Une chose est sure: nous commençons déjà à nous poser les bonnes questions quant à savoir pourquoi nous mangeons ce que nous mangeons. Nous devons maintenant trouver les réponses qui participeront à guérir la planète.


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Cet article est paru dans le numéro 05 de BESIDE: Quel avenir sommes-nous en train de bâtir?

 

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