Air salin et liberté

Récit d’un roadtrip-camping en mode zéro déchet avec bébé, en nature.

Dans le cadre de

Texte & photos — Anouck Serra-Godard

Ce périple n’aurait jamais eu lieu

————

Je suis une Covid-optimiste qui voit en cette crise sanitaire mondiale une occasion pour l’humanité de se remettre en question à tous les niveaux, de se réinventer dans la lumière, d’apprendre des erreurs passées pour devenir plus grande, plus forte, plus valeureuse. Je suis sereine devant ce temps de pause forcée qui nous ramène à l’essentiel, l’ici et maintenant, qui nous fait connaitre le nom et la petite histoire de nos voisins, qui nous invite à mettre les mains à la terre pour gouter à l’émerveillement, à mettre les mains à la pâte pour ressentir la fierté de casser la croute d’une miche de pain chaude sortie du four.

Dans un monde pré-Covid, notre printemps goutait l’eau de coco entre deux sessions de surf sur les côtes de l’Amérique centrale. Moment annuel parfait pour une aventure de longue haleine en famille, juste avant ma haute saison de production de tournages et juste après le sprint hivernal de conception de parc à neige de mon copain. Notre Lilou au passeport déjà bien estampillé pour ses 18 mois de vie avait hâte de parfaire sa prise de vagues en duo avec papa. Toutefois, comme plusieurs, nos plans de voyage ont été annulés et notre printemps s’est déroulé entre quatre murs dans une quête d’équilibre entre le télétravail, la parentalité, les rénovations, le temps pour soi et l’intimité de couple.

Nomades de cœur, nous ressentions tout de même le besoin de rêver d’une escapade pour entretenir notre feu de vie. Deux évidences se sont vite imposées. La première: les grands espaces naturels québécois représentaient une suite logique à notre confinement exemplaire pour continuer à s’isoler des autres humains. La deuxième: la liberté d’explorer notre territoire national passerait par le camping sauvage en famille.

Tweet

Notre kit d’aventurier postapocalyptique était donc prêt bien avant que le gouvernement ne donne le feu vert pour les déplacements interrégions. Le jour de l’annonce de la réouverture partielle des campings, j’étais 4500e en file d’attente sur le site de la SEPAQ, pour réserver nos places — en moins de 7 minutes, temps alloué à chaque client. J’avais également un plan d’autonomie à faire valoir aux campings privés qui, de prime abord, refusaient les tentes puisque les blocs sanitaires étaient fermés.

Qu’à cela ne tienne, L’Isle-aux-Grues  Parc national du Bic – Parc national de la Gaspésie – Percé – Bonaventure – Sainte-Flavie: nous voici, nous voilà!

Avant d’être mère, je jugeais ces gens qui débarquaient dans un site de camping en déployant un microvillage. Maintenant, j’en suis.

Un surf, une planche à pagaie, deux vélos, un charriot qui se transforme en poussette, un tricycle, un porte-bébé de randonnée, une glacière bien remplie pour assurer notre autosuffisance, une réserve de denrées non périssables, une cuisinière au propane, une table pliante, des ustensiles de cuisine, de la vaisselle et deux contenants pliables pour la laver, une douche, une toilette portative, un réservoir d’eau potable, une tente, trois matelas, un parc de voyage pour bébé, un abri moustiquaire, un bateau et un ballon gonflable, un sac de jouets, trois combinaisons pour la baignade en eau froide et deux bagages de vêtements pour affronter tous les aléas de la météo québécoise.

Tweet

Le minimum vital avec un enfant requiert beaucoup plus d’effectifs que ce dont j’avais l’habitude. Ajoutez à cela l’impossibilité d’accéder à certaines ressources dans le cadre de la pandémie et la liste des essentiels s’allonge encore. Par chance, mon copain est un champion du Tetris et grâce à sa minutie notre station wagon devient un vaste espace sans fin. Difficile de passer incognito notre statut de vacanciers auprès de ceux que nous croisions sur la route!

D’ailleurs, partant à la découverte de zones si peu touchées par la pandémie, nous appréhendions un peu l’accueil des gens du coin, pour qui l’arrivée des étrangers menaçait de contaminer toute une région si purement préservée. Toutefois, nous nous sommes vite rendu compte que tout le monde avait hâte de socialiser. Nous y compris. Ça nous faisait du bien de reconnecter avec autrui, d’apaiser un peu la méfiance des autres que nous avions inconsciemment développée. L’humain a un besoin viscéral d’interactions pour s’épanouir.

Ayant pris la route très tôt dans le processus de déconfinement, nous avons profité d’un momentum magique. Un peu comme si le reste du monde était resté figé encabané pendant que nous filions à toute allure vers l’est.

Nous avons traversé tant de charmants petits villages fantômes sur notre chemin; fait le tour de L’Isle-aux-Grues à vélo sur une route déserte et l’ascension du mont Albert sans croiser âme qui vive; pris nos douches en plein jour au grand air nus comme des vers; écouté le chant des oiseaux pour nous endormir au lieu des anecdotes racontées trop fort par le campeur du site d’à côté; gouté la haute gastronomie du terroir dans des sacs bruns sortis à même la fenêtre de la cuisine des restos rappelant l’époque de la prohibition; et surfé le meilleur swell de l’histoire du Saint-Laurent.

Tweet

Nous avons tout apprécié de cette nouvelle liberté extraordinaire. Lilou nous a appris à voyager différemment. À délaisser les itinéraires chargés et la quête de performance au profit du moment présent et de l’émerveillement devant de petits riens. Nous prenions notre temps et planifions la route en segments, en prévoyant les haltes avec le même soin que les destinations. Ça nous permettait de découvrir des bijoux d’endroits dont nous ignorions l’existence. C’est donc en pleine conscience que nous avons savouré chaque instant de cette formidable liberté postconfinement. Ce contexte ne reviendra pas de sitôt et c’est une chance historique d’avoir eu accès à tant de trésors à nous seuls. Dire qu’en temps normal ce périple n’aurait jamais eu lieu! Pourtant, il y a tant de beautés à découvrir par chez nous; c’est à se demander si c’est encore pertinent de prendre l’avion pour le bout du monde.

***

 

Voyager zéro déchet avec bébé

————

En toute transparence, en planifiant notre itinéraire estival, nous ne pensions pas accomplir 14 nuitées de camping consécutives avec notre petite Lilou—mais au final nous aurions pu prolonger ce quotidien nomade encore longtemps. Avec un bébé, chaque début de périple nécessite un flottement, une quête de rythme, qui nous pousse parfois à remettre en question notre décision de partir. Et chaque retour à la maison demande une réadaptation, des nuits houleuses, des crises sans explication, de bonnes habitudes à réapprendre.

Mais entre ces deux courtes tempêtes, il y a de grands apprentissages, beaucoup de sourires et de fous rires, de premières fois, de petits exploits, beaucoup de fierté, une bonne dose de culture et la fabrication d’innombrables souvenirs précieux.

Tweet

C’est un privilège de mettre un enfant au monde et une obligation de lui offrir le meilleur de soi pour en faire un humain de grande qualité. Un enfant apprend beaucoup par mimétisme et un parent doit prêcher par l’exemple en menant un quotidien vertueux dans ses moindres gestes.

Depuis la naissance de Lilou, nous avons peaufiné notre routine zéro déchet à la maison et tentons au mieux de conserver ce mode de vie sur la route. Ça requiert une plus grande organisation, mais une fois l’habitude établie ça s’opère tout naturellement. Pour ceux qui en sont à leur début dans cette grande aventure, le contexte de vacances peut être un beau prétexte pour expérimenter. La clé pour créer des habitudes durables, c’est d’y aller progressivement et d’être indulgent envers soi.

Voici 13 trucs appris sur le tas pour profiter de la vie et respecter notre planète en voyage: 

————

01. Préparer une trousse de soins écoresponsable pour toute la famille: shampoing et revitalisant en barre, pastilles à mâcher pour nettoyer les dents, brosse à dents en bambou, baume nettoyant solide pour le visage, éponge konjac, coupe menstruelle, rasoir en inox, cure-oreille réutilisable, soie dentaire biodégradable. Restez à l’affut de la révolution verte à la boutique vrac du coin!

02. Apporter des couches, linges et débarbouillettes: des couches lavables pour bébé, des débarbouillettes et du liniment pour le nettoyage avec plusieurs sacs de transport antiodeur lorsqu’on a accès à une machine à laver et qu’on reste assez longtemps à un même endroit pour les faire sécher. Sinon, des couches et des lingettes jetables, mais biodégradables, pour les séjours prolongés en brousse.

03. Établir le menu et préparer tout ce qui se peut en amont. Cuisiner en calculant bien les portions pour éviter d’avoir des restes qui se conservent mal en contexte de mobilité. Par exemple, un risotto aux champignons séchés (l’eau de trempage utilisé comme bouillon), un bibimbap (sauce préparée en amont) ou encore une shakshuka avec un bon pain sorti du four juste avant le départ!

04. Cuisiner un éventail de collations sucrées et salées pour bébé avant de partir. Ça évite d’être mal pris et d’acheter des aliments vendus dans des emballages dont la matière ne se recycle pas. Par exemple: des boules d’énergie, des miniomelettes aux légumes dans des moules à muffins en silicone ou encore du maïs soufflé maison.

05. Faire le plein de produits secs en vrac mis dans des pots Mason avant le départ et se ravitailler de produits frais locaux aux marchés fermiers sur la route.

06. Prévoir un gros bidon d’eau potable pour remplir les gourdes. Il en existe des pliables lorsque vides, très pratiques lorsque l’espace est restreint pendant les déplacements.

07. Apporter des sacs réutilisables pour faire les courses, des sacs en filet pour les aliments en vrac, des sacs à collation, des emballages réutilisables en cire d’abeille de diverses grandeurs, quelques bocaux vides supplémentaires, un sac à fromage et un sac à pain.

08. Rester plus longtemps au même endroit et approfondir sa connaissance du territoire au lieu de bruler de l’essence pour cumuler du kilométrage. Prioriser la qualité à la quantité.

09. À destination, pratiquer des activités vertes bonnes pour le corps et l’esprit telles que le vélo, la randonnée, la planche à pagaie et le surf.

10. Limiter les feux de camp, car ils contribuent à polluer l’atmosphère. Joindre l’utile à l’agréable en utilisant cette source de chaleur pour cuire le repas du soir.

11. Laver les petits vêtements (toujours bien sales) de bébé avec du savon à lessive écologique dans les mêmes contenants que ceux utilisés pour faire la vaisselle, et étendre une corde à linge pour les sécher.

12. Participer au nettoyage des berges. Le parc du Bic et certains endroits bordant la rivière Bonaventure mettent d’ailleurs des bacs à la disposition des visiteurs; de quoi faire une belle activité familiale.

13. Apporter des sacs à ordures et des sacs à recyclage biodégradables, ainsi qu’un grand pot Mason pour le compostage. Par amour pour la nature et par respect pour les autres, surtout, ne laissez aucune trace!

Diplômée d’un baccalauréat en communication et politique et détentrice d’une maitrise en études internationales, Anouck Serra-Godard est recherchiste et directrice de production à la pige. Native des Laurentides, elle a dorénavant migré au sud pour y créer son nid familial dans les Cantons-de-l’Est, après une belle histoire d’amour insulaire de 12 ans avec Montréal.

Partagez cet article

Ne manquez jamais un numéro

Deux numéros par année

25% de réduction sur les numéros précédents

Livraison gratuite au Canada

Infolettre

Pour recevoir les dernières nouvelles et parutions, abonnez-vous à notre infolettre.