Fabriquer une mini-serre avec Jean et Marguerite

Texte — Eugénie Emond
Photos — Catherine Bernier
Illustrations — Mélanie Masclé


Les savoir-faire de nos grands-parents

Les aînés qui ont côtoyé la nature toute leur vie possèdent sans doute des antennes plus affutées que les nôtres. Mais parce que nos liens avec eux sont souvent coupés, la plupart se retrouvent seuls avec une montagne de connaissances et d’expériences qu’ils ne peuvent partager.

Avant qu’il ne soit trop tard, BESIDE veut se faire le passeur du savoir (et des histoires) d’aînés québécois de plus de 80 ans. Pour ce faire, notre collaboratrice Eugénie Emond nous présente quatre de ses amis et les projets qui les animent.

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Jean & Marguerite Blais

Saint-Antoine-de-Tilly, 95 ans

De leur entreprise d’horticulture de la rue des Jardins, nommée en leur honneur, il ne reste qu’une serre abimée et un écriteau : Jean Blais, horticulteur. L’été dernier, j’y avais acheté une douzaine de plants de zinnias. Quelques semaines plus tard, mon jardin s’était greyé de grosses fleurs aux pompons rouges vifs, apparues entre les rangs de bettes à carde. L’année d’avant, c’étaient des tomates; Jean sait toujours quand on doit les planter, malgré le climat changeant. Dans leur maison canadienne peinte en blanc, la lumière entre de partout. Jean, 95 ans, et Marguerite, 83 ans, gardent le fort, malgré l’âge avancé et les hivers de plus en plus durs.

J’avais présumé que cette terre, sur le bord du fleuve, au sud-ouest de Québec, était celle des Blais depuis des générations. J’avais tout faux : Jean est un rapporté — un nom donné autrefois aux étrangers —, comme moi. Il ne connaissait rien aux fleurs ni aux légumes quand il a acheté son terrain en 1941, durant la guerre. Il travaillait alors de nuit dans une usine d’avions dans le nord de Montréal. Il avait 17 ans, s’endormait sur son shift et rêvait de nature et de grands espaces. Puis, un ami lui a offert un cadeau qui allait changer sa vie : un livre de catéchisme agricole destiné aux Canadiens français. Avec ce guide en poche et ses économies, il a quitté la ville — sans regret ! — pour s’établir à Saint-Antoine-de-Tilly. Jean a d’abord planté des patates dont personne n’a voulu, dans ce village alors autosuffisant. Il a ensuite semé des variétés qu’on retrouvait encore peu en campagne : brocoli, poireau, chou-fleur. Après beaucoup d’observation et d’essais et erreurs, il a démarré son entreprise maraichère et horticole. L’hiver, il partait bucher en Abitibi pour arrondir les fins de mois. Marguerite est venue le rejoindre des années plus tard. Journaliste à Montréal, elle avait cru pouvoir poursuivre sa carrière à distance en s’installant à la campagne auprès de son amoureux. Les moyens de communication rudimentaires de l’époque, dont le partage de la ligne téléphonique avec les voisins, ont cependant eu raison de son travail. Cette année, pour la première fois, Jean et Marguerite n’ouvriront pas la serre au public. Jean prend sa retraite. Mais il n’a pu s’empêcher de commander tout plein de semences. De fleurs, surtout.

 

— Fabriquer une couche chaude avec un vieux châssis —

Avant que l’usage de serres ne soit répandu au Québec, les agriculteurs utilisaient des couches chaudes, sortes de miniserres, qui permettaient de mettre les plants en terre plus tôt et d’allonger la saison maraichère. Au début du printemps, Jean en installait toujours une centaine sur ses terres, qu’il fabriquait avec de vieux châssis. Une mé­thode reprise aujourd’hui par les jeunes maraichers qui cultivent sur une petite surface.

1. Fabriquer une boite — de 6 pi sur 12 pi, à la suggestion de Jean — à l’aide de planches de bois épaisses (madriers).

2. Là où ira la boite, étendre de la paille et du fumier de cheval frais.

3. Ajouter de la terre.

4. Mettre en terre les petits plants ou les semis.

5. Recouvrir d’un châssis double qu’on referme la nuit.

La chaleur générée par le fumier en décomposition permettra de faire pousser les plants, qui seront d’ailleurs plus robustes, puisqu’adaptés très tôt aux conditions extérieures.

Eugénie Emond est journaliste indé­pendante et étudiante à la maitrise en gérontologie à l’Université de Sherbrooke. Elle signe la série documentaire En résidence, diffusée à MAtv, et collabore à différents médias, dont le magazine Nouveau Projet.

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Cet article a été publié dans le numéro 06.

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