Grimper Ensemble

Rencontre au sommet avec les Chèvres de montagne.

Texte — Marie Charles Pelletier
Photos — Yan Kaczynski

En partenariat avec

Un vendredi soir à l’aube du mois de mars, nuit glaciale. Après une longue semaine de travail, une quinzaine de femmes prennent la route pour se diriger vers la Montagne d’Argent, dans les Laurentides.

Une fois les voitures stationnées, elles montent une pente abrupte qui traverse la forêt, jusqu’au refuge. L’une après l’autre, elles poussent la porte, un duffle bag sur l’épaule et le visage à moitié caché dans le col de leur manteau.

 

Dans cet abri au pied des parois de glace, ces femmes d’âges et d’horizons variables se retrouvent autour de leur amour commun pour le plein air. Il y a la doyenne du groupe, venue avec sa fille; l’étudiante en quête d’autre chose que ses manuels de médecine; l’entrepreneure arrivée directement du bureau avec ses bas collants noirs et son cardigan en mohair. Autour du poêle à bois bien bourré, elles se racontent leurs expéditions, partagent leurs peurs — notamment celle des Cimex lectularius — et se rappellent le moment où elles ont dû apprendre à tirer de la 22, au cas où… La gêne initiale fait rapidement place aux rires.

Les Chèvres de montagne sont à l’origine de l’aventure qui s’amorce. Depuis cinq ans, elles proposent des activités d’initiation ou de perfectionnement pour des sports qualifiés d’extrêmes, et dans lesquels les filles sont trop souvent sous-représentées. Pascale Vézina Rioux et Émilie Richard sont les instigatrices de cette initiative; ensemble, elles rêvent de voir leur communauté s’agrandir, et les femmes sillonner les montagnes, les lacs et les parois du Québec.

Pascale

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Avant de se dévouer entièrement aux Chèvres, Pascale enseignait les mathématiques dans un pénitencier. Son changement de carrière s’est fait tout naturellement. Elle se rappelle entre autres un été à faire du kite aux Îles-de-la-Madeleine. « L’esprit de communauté m’avait frappée, là-bas. Tout le monde se parlait. Tout le monde s’entraidait. J’ai l’impression que mon séjour madeleinois m’a donné envie de faire partie de quelque chose », raconte-t-elle.

Du plus loin qu’elle se souvienne, Pascale a toujours fait du sport avec des garçons. Elle était l’une des rares filles qui les suivaient. Jusqu’au jour où elle s’est donné comme mission de dénicher celles qui faisaient comme elle. Il fallait trouver une manière de les rassembler. Dehors.

« Avec les Chèvres, la valorisation ne passe pas par la performance, mais par le fait d’être entourée de personnes qui partagent la même passion pour le sport et les grands espaces. Des filles qui t’inspirent beaucoup plus qu’elles ne t’insécurisent. »

Aujourd’hui, quand Pascale regarde une participante grimper une paroi de glace ou descendre une piste abrupte en ski, elle vit des moments de plénitude : « Ça me rend fière. Fière d’être une femme et fière de faire partie de cette communauté. »

Nathalie

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Ce soir-là, ces filles qui ne se connaissaient pas quelques heures auparavant s’endorment cordées les unes à côté des autres. Et le matin, après plusieurs tasses de café chaud, elles se dirigent ensemble vers Les Paradis artificiels, une paroi pouvant accueillir 15 cordes. Sous les conseils de l’alpiniste Nathalie Fortin, elles grimpent et regrimpent l’imposante cascade de glace.

Ingénieure de formation, Nathalie travaille à Environnement Canada. Elle est aussi sommelière et summiteuse de l’Everest. L’alpiniste s’est présentée au groupe en annonçant ses deux objectifs principaux : que toutes les filles grimpent en glace et que toutes les filles apprécient le bon whisky.

Toute la journée, elle se chargera aussi de transmettre des morceaux de son expérience aux participantes. Impressionnée d’être l’élève d’une grimpeuse aussi émérite, une Chèvre chuchotera à l’oreille d’une autre : « C’est un peu comme si Céline Dion nous apprenait à chanter Frère Jacques, finalement. »

Pourtant, c’est à peine si Nathalie mentionne les sommets qu’elle a gravis. « Je ne veux pas que l’on retienne mes accomplissements, mais plutôt mes apprentissages — et parfois, j’ai peur de ne pas réussir à bien les transmettre », confie-t-elle.

Elle se remémore sa première paire de piolets, avec laquelle elle dormait. Elle parle de ses expéditions et de la confiance qui se forge au fil des épreuves, comme la fois où elle s’est gelé le doigt avant d’entamer l’ascension du K2. « Ta résilience se bâtit un peu plus chaque fois que tu réussis à te sortir d’une situation difficile. Tu te trouves plus forte que tu le pensais. »

« Je ne veux pas que l’on retienne mes accomplissements, mais plutôt mes apprentissages. »

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Pour l’alpiniste, la nature a énormément à nous apprendre. Elle aide l’humain à mieux se connaitre, à ancrer ses valeurs, à définir ce qui compte vraiment. C’est par exemple sur l’un des plus hauts sommets de la Terre que Nathalie a saisi la valeur des gens qui l’entourent.

Les crampons et les piolets s’enfoncent dans la glace pendant que le soleil réchauffe tranquillement la journée. Les filles au bas du mur assurent celles qui montent en leur criant des mots d’encouragements — ou des niaiseries. Le bonheur d’être en groupe est palpable.

Comme dans bien d’autres sports, les filles commencent souvent à pratiquer l’escalade de glace avec leur chum. Nathalie Fortin aimerait arriver à faire tomber ce premier mur en initiant elle-même de nombreuses femmes — notamment avec les Chèvres de montagne.

Les Chèvres de montagne sont habillées en Futurelight, la plus récente technologie développée par The North Face. Avec des tissus composés à 90 % de matériaux recyclés, cette gamme de vêtements est la plus écologique de la marque. Sa membrane de nanofibres permet à l’air de circuler librement, en plus d’être complètement imperméable — même lors d’une exigeante journée à grimper des parois de glace. Conçue en étroite collaboration avec la communauté d’athlètes TNF, Futurelight a été mise à l’épreuve par ces derniers, et ce, à travers le monde.

Émilie

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Il y a quelque chose de décomplexant et de stimulant dans le fait d’aborder une nouvelle activité avec d’autres femmes. « En voyant que l’une est capable, on se dit qu’on serait probablement capable aussi. C’est parce qu’on s’identifie aux autres qu’on finit par se pousser », observe Émilie.

Nutritionniste sportive, Émilie Richard a les yeux rieurs et un sourire bienveillant. Pour elle, la bouffe et le sport sont fondamentaux : comme un calfatage qui lie tous les humains. La jeune Estrienne a fait de la natation de compétition pendant la majeure partie de son existence. Ses semaines étaient dictées par des entrainements intenses en piscine. En vieillissant, elle a réalisé qu’elle voulait s’initier à d’autres pratiques. Les Chèvres de montagne sont arrivées dans sa vie comme une main tendue.

« J’en retire une confiance nouvelle et une fierté d’accomplir des microaventures avec des femmes différentes, mais toutes faites de la même fibre », dit Émilie.

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Après une journée passée en suspension, le groupe finit par rentrer au refuge. Autour du feu, les filles ont gardé leurs combines et sont assises plus près l’une de l’autre que la veille. Les discussions sont ponctuées par le son des bières que l’on décapsule. « On voit des amitiés se former, des filles qui reviennent ensemble », ajoute Émilie. Les réseaux sociaux ont ceci de positif qu’ils leur permettent de cultiver l’esprit de communauté entre les sorties en plein air.

Personne n’a monté l’Everest, ce weekend-là. Mais quelque part dans les contreforts de la Montagne d’Argent, des femmes de 25 à 65 ans ont partagé des histoires, des nœuds en huit, des repas et des gorgées de whisky japonais. Émilie a l’impression que le plein air, au-delà du sport, donne accès à des moments privilégiés. « On se souviendra finalement beaucoup plus des fous rires que du nombre de montées qu’on a faites », souligne-t-elle.

Même si cette brèche dans la routine n’aura duré que trois jours, chacune des filles reprendra la 117 en sachant que cette communauté existe, et qu’elle en fait dorénavant partie. ■

Depuis sa fondation en 1968 par le militant écologiste Douglas Tompkins, The North Face fait rayonner la communauté du plein air en commanditant des expéditions sur les plus hauts sommets et dans les régions les plus inhospitalières de la planète. The North Face Canada s’est engagée auprès de différents groupes de femmes — dont les Chèvres de montagne et The B.I.G Initiative — pour les encourager à briser, ensemble, les clichés associés aux sports de plein air.

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Cet article a été publié dans le numéro 08.

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