Un terrain de jeu tombé du ciel

On dit que Charlevoix est l’une des plus belles régions au monde pour les mordus de nature et d’aventure. C’est donc équipée de mes bottes de randonnée et de mon appareil photo que je roule sur la 138, impatiente de sauter dans cette immense cour de récréation.

On dit que Charlevoix est l’une des plus belles régions au monde pour les mordus de nature et d’aventure. C’est donc équipée de mes bottes de randonnée et de mon appareil photo que je roule sur la 138, impatiente de sauter dans cette immense cour de récréation.

Quatre heures après avoir quitté Montréal — dont une à longer le fleuve Saint-Laurent —, j’aperçois une affiche de la Société des établissements de plein air du Québec, ou «Sépaq», comme on la désigne ici. Me voilà arrivée au parc national des Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie, où m’attend ma première aventure.

Photo: Alexis Saint-Pierre

Là où la route sarrête

On m’avait assuré que je ne pouvais pas manquer le parc. «Après, y’a pu de route», m’avait simplement dit le pompiste du village de Saint-Aimé-des-Lacs. Le chalet du centre de services Le Draveur, niché au pied d’imposantes montagnes — «parmi les plus hautes parois depuis l’est des Rocheuses», m’informera la jeune fille à l’accueil —, vient confirmer que je me trouve en pleine nature. L’endroit impose le respect. Le parc national des Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie tire son nom des vallées découpées dans ses montagnes, créées sous l’impact d’une météorite de 2 km de diamètre tombée il y a 350 millions d’années. Toute la région, consacrée Réserve mondiale de la biosphère par l’UNESCO, doit son relief à un fragment tombé du ciel: ce dernier creusant un cratère de 54 km de diamètre autour duquel des remontées se sont formées.

Je choisis de conquérir le sentier de l’Acropole-des-Draveurs. Bien que ce soit le plus long et le plus exigeant du parc — 11 km aller-retour et 800 m de dénivellation —, il demeure accessible aux sportifs de tous les niveaux. Les premières minutes donnent le ton: on monte constamment, mais comme le sentier est tracé en «S», l’ascension est douce. Sur le chemin qui traverse la forêt, je croise quelques familles qui, pour la plupart, s’immobilisent au premier sommet. De mon côté, je continue de marcher jusqu’à la deuxième arête.

Plus je monte, plus les arbres se font rares, les sols, rocailleux, les vents, insistants et la végétation, rabougrie. Je me dis que c’est la preuve que j’avance!

Au sommet, je suis assurément récompensée pour mes efforts. La vue est spectaculaire. Entre le pied de la montagne des Érables et moi se déploie la vallée de la rivière Malbaie qui, 800 m plus bas, ressemble à un ruisselet. Puis, au loin, sur 360°, je vois tous les monts de la région comme autant de souvenirs laissés par la météorite.

Difficile de m’arracher à cette vue, même après 30 minutes de contemplation. Il faut pourtant
redescendre, repasser par ces rochers fouettés par le vent, cette végétation timide, puis ces arbres de plus en plus forts. Six heures après mon départ, je suis de retour au bas des montagnes, où — joie! — mon refuge pour la nuit m’attend.

Ces dernières années, les tentes prêtes-à-camper Huttopia ont poussé comme des champignons dans les forêts du Québec. Et je dois dire que ce soir, je suis plus que reconnaissante de ne pas avoir de tente à monter, et de pouvoir compter sur un vrai lit. Affamée, je fais mijoter la soupe que j’avais apportée sur le réchaud électrique et je la déguste au son du clapotis de la rivière Malbaie.

Photo: Francis Gagnon

Sortir des sentiers battus

Heureusement, la nuit a été bonne. Parce qu’aujourd’hui, j’affronte le plus gros défi de mon séjour: le mont des Morios, soit le préféré des amateurs de plein air qui aiment sortir des sentiers battus. Ici, pas de chalet d’accueil et peu de touristes, mais une trentaine de kilomètres sur lesquels s’amuser.

Je quitte le parc des Hautes-Gorges et me stationne, 30 minutes plus tard, devant un bâtiment rouge: le Dépanneur du Lac Brûlé. Une amie de la région m’avait informée qu’il fallait payer les droits d’accès — très peu chers — aux sentiers, rendus accessibles par des bénévoles qui ne souhaitent que faire découvrir la beauté de l’endroit. Mais surtout, ladite amie m’avait recommandé d’arrêter au dépanneur pour saluer la sympathique madame Fortin et prendre, pour la randonnée, un de ses délicieux sandwichs préparés.

Le sac à dos rempli de provisions, j’entame donc la marche vers le mont du Lièvre en passant par le côté nord du mont des Morios. On m’avait avertie que ce serait du sport et, rapidement, je donne raison aux ouï-dire : l’ascension se révèle plus exigeante que celle d’hier, puisque le chemin est plus abrupt. Mais la nature est si belle que le corps suit.

Trois heures et la découverte de nouveaux muscles plus tard, j’atteins le sommet, lui aussi fait de caps rocheux. Le Québec est vaste: on en prend toute la mesure lorsqu’on se trouve au sommet de ce mont. Charlevoix est une «petite» contrée coincée entre le fleuve Saint-Laurent et les régions de Québec, du Saguenay–Lac-Saint-Jean et de Manicouagan, toutes plus grandes qu’elle. Et pourtant, devant moi, elle se déploie à perte de vue.

Au loin, il y a le fleuve qui s’est élargi et qui est, ici, presque devenu mer. C’est d’ailleurs de ces montagnes et de ce fleuve que les gens de Charlevoix tirent leur fierté. «Ici, on a tout: le fleuve et de hautes montagnes. Nul besoin de choisir», me diront avec fierté ceux qui voudront me vendre leur région pendant le séjour.

Après avoir dégusté le sandwich de madame Fortin, je redescends tranquillement par le côté sud du Morios. La boucle est possible et permet de varier les paysages et les points de vue. Pourquoi ne pas en profiter?

Photo: Hôtel & Spa Le Germain Charlevoix

Hébergement durable

En route vers ma prochaine destination, je jubile: un séjour dans un des plus beaux hôtels du Québec m’attend. La récompense ultime après ce défi sportif.

Peu importe la saison ou la raison de ma venue, je retrouve chaque fois le même plaisir quand je mets les pieds dans le grand hall de l’Hôtel & Spa Le Germain Charlevoix. En plus du bar, on y trouve un foyer et des sofas où il fait bon se prélasser après une journée à explorer le territoire.

Ouvert en 2012 sur l’ancien site de la plus vaste ferme en bois au Canada, cet hôtel charme autant les Québécois que les touristes d’ailleurs. C’est peut-être grâce à son emplacement incroyable entre la belle ville de Baie-Saint-Paul et le fleuve, ou à sa décoration qui rend judicieusement hommage à son histoire. Le succès de l’établissement s’explique aussi par le fait que tout, des draps aux meubles, provient du Québec ou de la région.

Des cinq pavillons de l’hôtel, j’ai choisi Le Clos. Il est à la fois rustique et moderne, et le bois de grange qui le compose est peint en blanc. La vue sur les champs et les jardins, offerte dans plusieurs chambres, complète l’ambiance apaisante.

Au restaurant Les Labours, je m’attable au comptoir de la cuisine ouverte. Avant qu’arrive mon
entrée de saumon fumé, Alexis Jegou, le chef, m’explique que 70% de ses produits proviennent de Charlevoix: par exemple, les herbes, les légumes et les fruits sont cueillis dans les potagers situés à quelques mètres de la cuisine, le miel est fourni par les ruchers de l’hôtel, et les moutons, canards, poules et dindons proviennent d’éleveurs voisins. Mais il y a aussi les produits des artisans de la région, avec qui l’hôtel travaille étroitement. «Tous les dimanches de l’été, on propose aux visiteurs et aux résidents un marché sur la Place publique qui réunit des producteurs et des artisans du coin», m’avait d’ailleurs affirmé plus tôt Annie Wagner Bouthillier, directrice au service à la clientèle de l’hôtel.

Ce souci pour le développement durable ne se fait pas sentir que dans la déco ou la cuisine. L’utilisation de la géothermie, l’installation de bornes électriques et la réduction de la pollution lumineuse font partie des nombreuses initiatives écologiques de l’Hôtel & Spa Le Germain Charlevoix. L’an dernier, l’institution a reçu la certification carbone-paysage, ce qui signifie qu’elle s’engage aussi à compenser ses émissions de gaz à effet de serre par la plantation d’arbres.

Photos: Hôtel & Spa Le Germain Charlevoix

Recharger les batteries

Au Clos, même pas besoin de compter les moutons pour passer une nuit régénératrice. Le matin venu, je décide d’en prolonger les bienfaits en flânant au Spa Nordique Le Germain. On y propose des soins corporels et une expérience thermale mémorable dans des saunas, et des bassins d’eau chaude et froide. Parfait pour ceux qui ont fait l’ascension du mont des Morios la veille.

Après un lunch dans Baie-Saint-Paul au fameux Saint-Pub de la MicroBrasserie Charlevoix, je marche dans les rues de ce joyau touristique et culturel régional. Le charmant centre-ville est en effet reconnu pour ses musées, ses galeries d’art, ses boutiques et ses cafés. Je n’ai pas envie de
quitter ces lieux magiques ni le confort douillet de l’hôtel, mais une dernière aventure m’appelle.

CHARLEVOIX SUR LES RAILS

Depuis 2015, il est possible de parcourir Charlevoix sur la plus belle voie ferroviaire de la province, entre de hautes falaises et le fleuve, à partir de la ville de Québec, en passant par Petite-Rivière-Saint-François, Baie-Saint-Paul et Les Éboulements, et ce jusqu’à La Malbaie. On peut choisir de s’arrêter en chemin — marche aux Éboulements, vélo à L’Isle-aux-Coudres, kayak à Saint-Irénée —, même si le trajet à lui seul vaut le détour. Une façon écologique et originale de découvrir Charlevoix!

Des artisans et des caribous

C’est Vincent Grégoire, concierge à l’Hôtel & Spa Le Germain Charlevoix, qui m’a conseillé de passer l’après-midi au parc national des Grands-Jardins. Originaire de Montréal, il a emménagé ici avec sa petite famille il y a quatre ans, «pour pouvoir profiter facilement du plein air après le boulot». Et il n’est pas le seul: nombreux sont les urbains venus s’installer dans Charlevoix après être tombés amoureux de la région.

C’est aussi Vincent qui m’a suggéré d’arrêter, au fil du trajet entre l’hôtel et le parc, chez des artisans qui font partie de la Route des Saveurs de Charlevoix. Ainsi, je m’approvisionne d’une miche encore chaude à la boulangerie À chacun son pain, d’un sac de fromage en grains frais à la Laiterie Charlevoix, puis d’un petit morceau de fois gras de la Ferme Basque. 

Photo: Francis Gagnon

Arrivée au parc des Grands-Jardins, je suis prête à affronter le circuit de la via ferrata installé à même la paroi rocheuse du mont du Lac des Cygnes. Je choisis le parcours d’une longueur de 650 m, qui implique de franchir trois poutres et un pont — en plus de monter jusqu’au sommet de la montagne ensuite, pour une durée totale de près de six heures. Avec le groupe dont je fais partie, je progresse lentement en profitant de vues spectaculaires.

Entre deux obstacles à franchir, notre guide nous conseille d’ouvrir l’œil. «Dans toute la région, c’est ici que vous avez le plus de chances d’apercevoir des caribous!» Alors qu’ils avaient disparu de Charlevoix à cause d’une chasse intensive, 48 caribous forestiers ont été capturés près du Labrador, dans les années 60, pour être conduits dans le parc national des Grands-Jardins. Grâce à cette initiative, environ 75 individus vivent maintenant dans la région, tout particulièrement dans les environs du parc, où plusieurs sont nés.

J’ai été attentive, mais je n’ai pas vu de caribous. Qu’à cela ne tienne: sur la route du retour, je me dis que j’ai côtoyé un fleuve presque mer, que j’ai séjourné dans un lieu riche d’histoire, que j’ai rencontré des artisans passionnés, que j’ai escaladé des sommets immenses tombés du ciel et que j’ai découvert tout un terrain de jeu. Les caribous, ce sera pour la prochaine fois.

Merci à Vincent Grégoire pour ses conseils.

 

tourisme-charlevoix.com    |     germaincharlevoix.com

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Cet article a été publié dans le numéro 02 du magazine BESIDE.

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Cet article a été publié dans le numéro 02.

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