Chaque dessin de Catherine Blanchet est une ode tranquille au monde minéral et aux pierres que les marées abandonnent sur les berges du Saint-Laurent.
TEXTE : Marie Charles Pelletier
DESSINS : Catherine Blanchet
Catherine Blanchet naît à Ste-Croix-de-Lotbinière et grandit bercée par le fleuve, qui s’impose à elle comme un point d’ancrage, une présence rassurante et un appel aux errances matinales. Après des études en arts visuels, elle s’installe à Québec, où elle continue d’explorer son intérêt métissé pour l'estampe, la lithographie et le design intérieur. Aujourd’hui, sa famille et elle prennent le plus souvent possible la route vers leur chalet trois-saisons, perché sur la rive, près de Montmagny.
«Le chalet n'est pas ouvert l’hiver, mais on s’y rend quand même, juste pour observer les glaces et sentir le vent», confie Catherine..
C’est d’ailleurs en 2020, lors d’une récolte de pierres sur la berge avec ses enfants, Juliette et Antoine, que le monde minéral s’est livré à elle. «En flânant, on devient plus sensible et plus perméable aux objets qui nous entourent. C’est précisément cet état d’esprit qui me porte vers la création.»
Probablement parce qu’on ne craint jamais de les voir disparaître, les roches sont oubliées ou boudées par la majorité des gens. Leur beauté brute et leur existence millénaire offrent pourtant un peu de perspective sur la temporalité à quiconque s’y attarde.
Petite, l’artiste entretenait une fascination pour les objets (cocottes, coquillages ou bibelots sans valeur). Elle aimait s’en faire des collections — peut-être parce qu’enfant, on ne possède pas grand-chose. Aujourd’hui, la quête de l’objet fait partie intégrante de son processus, tout comme la contemplation et la lenteur. En arpentant le littoral, elle cherche des spécificités qui l’émeuvent dans les pierres, et qu’elle continuera d’étudier en dessinant : des teintes, des angles, une façon de rencontrer la lumière.
À ses côtés, les enfants remplissent leur petit sceau de trouvailles. Catherine, elle, immortalise l’élue sur fond blanc, grâce à un studio de fortune installé à même la berge, avant de la remettre parmi les siennes. Elle aime savoir que la pierre continue de vivre dans son environnement naturel pendant qu’elle passe de longues heures à l’ausculter dans son atelier. Les teintes, les nuances et la porosité de ses œuvres sont l'aboutissement de fins traits de crayons de couleurs à la mine bien aiguisée et de couches successives qui se superposent jusqu’à rendre justice à l’objet choisi.
Dans une ère où tout doit se faire le plus vite possible, l’artiste avance à contre-courant. Pour elle, ça n’a pas été un choix conscient d’opter pour un médium qui exige autant de patience, mais elle admet avoir besoin de ces méandres pour se connecter à certains aspects de sa personnalité, comme le besoin de recueillement et de solitude.
«Quand je dessine, je me sens présente. Les roches, de par leur caractère permanent, nous connectent à la terre et nous ramènent à notre propre existence», conclut-elle.
Pour saluer le fleuve — puisque c’est là que tout a commencé —, on pourrait aussi dire que les œuvres de Catherine Blanchet ouvrent une fenêtre vers le large, vers un point focal où poser le regard et amerrir en silence.
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Marie Charles Pelletier est conceptrice et rédactrice chez BESIDE Média. Maintenant installée en Colombie-Britannique, elle continue d’écrire l’histoire de gens qui l’inspirent. Elle emploie le reste de son temps à se perdre — en montagne ou dans ses pensées.