Si la nature nous envoyait la facture

Si la nature nous envoyait la facture

L’abondance et la gratuité des milieux naturels nous font souvent oublier leur valeur réelle.

TEXTE : GUILLAUME RIVEST

La nature n’est pas seulement magnifique. Elle nous rend aussi de fiers services écosystémiques, contribuant entre autres à la régulation climatique, à la purification de l’eau, au transport des nutriments dans le sol. Un travail colossal que de nombreux environnementalistes, économistes et législateurs tendent à traduire en dollars, dans le but de justifier la protection de certains écosystèmes.

L’exemple le plus éloquent est celui de la ville de New York, dont l’eau potable a toujours été filtrée naturellement par le bassin versant des Catskills Mountains. Lorsque le « Safe Drinking Water Act » a rendu obligatoire la filtration des eaux destinées à la consommation publique, en 1976, New York a pu se faire accorder une exemption, entrée en vigueur en 1997. Pour protéger cette partie de son territoire contre le développement immobilier et industriel — et ainsi conserver son statut exceptionnel —, l’État a dû mobiliser activistes, municipalités et agences gouvernementales. Cette collaboration dure depuis plus de 20 ans. Avec un succès sans équivoque : sur le milliard de gallons d’eau potable que consommait quotidiennement la ville de New York en 2016, 90 % étaient fournis de façon naturelle par les Catskills.

En protégeant les milieux naturels du bassin versant, l’État de New York a économisé plus de 12 milliards de dollars US jusqu’à présent : la construction d’une usine de filtration lui en aurait couté 6 milliards et son fonctionnement annuel, 300 millions (depuis 1997!). Ce service de filtration des eaux ne représente d’ailleurs qu’un seul des services écosystémiques que l’État de New York aurait pu considérer dans sa lutte pour la protection du bassin versant.
En 2008, l’ONU estimait que la valeur totale des services écosystémiques pour l’ensemble de la planète se situait entre 21 et 72 trillions de dollars US — ce qui est comparable, donc, au PIB international, qui s’élève à environ 58 trillions de dollars US. Mais bien qu’elle favorise une prise de conscience, la monétarisation des services écosystémiques est un exercice périlleux qui a ses limites : la valeur économique est-elle la seule qui compte ? Vaut-il mieux préserver un écosystème qui nous rend service ou un écosystème qui se raréfie ? Comprenons-nous bien l’interdépendance des écosystèmes ? L’évaluation économique est certes une façon de reconnaitre leur valeur, mais encore faut-il nous rappeler que les conséquences de nos choix dépassent fréquemment la compréhension des enjeux en cause.

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