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L’humanité vient de faire un flat

C’est lundi. Les voitures font la grasse matinée. Le smog est retombé. On vient de pogner un speed bump dans nos vies effrénées.

Pendant ce temps, les cris d’enfants brisent le silence entre deux chants d’oiseaux. Aujourd’hui dans Hochelaga, l’avenir est sur pause. Le présent a pris le dessus.

Mes pensées vont et viennent pendant que l’odeur du café enveloppe mon appartement. J’éprouve de la lassitude sans m’ennuyer pour autant.

Je porte mon café à mes lèvres, je ferme les yeux. Il est 13h, l’heure de la messe. Sur le perron de notre nouvelle église numérique, des millions de Québécois se rassemblent.

Arruda prononce la prière, Legault distribue les hosties et McCann sonne les cloches.

J’appelle mon père pour prendre de ses nouvelles. Pour une fois, je ne suis pas pressé. Drôle de sentiment, l’athée en moi est en communion avec le pratiquant qu’il est. Ça fait du bien de philosopher, 7,5 milliards d’humains à l’unisson.

Aucune obstination sur nos valeurs communes et la beauté du tissu social qui se resserre. Notre conversation est aussi profonde que douce. On apprivoise ensemble le calme dans la tempête.

***

Je sors, le soleil en pleine face. J’accélère le pas de ma course; on dirait paradoxalement que tout défile au ralenti: les effluves du printemps, le son du vent, la lumière qui rebondit sur les carcasses de métal des voitures.

Sur le trottoir, on pratique notre nouvelle chorégraphie. On valse tous la distanciation physique: deux mètres à gauche, deux mètres à droite, souriez à votre voisin et changez de place.

Le parc aussi est au diapason. Les gens ont l’air heureux d’errer sans se toucher, unis à distance, filant dans la même direction.

Au coin de la rue, le contraste est frappant. Il y a trois lundis déjà, les automobilistes étaient tout sauf souriants, entassés bumper à bumper, pressés de n’aller nulle part.

Les joggeurs me saluent avec deux doigts levés en signe de liberté, comme font les motards sur la grande route.

J’accélère pour mon sprint final. Je dépasse une dame en fauteuil électrique. Elle me salue en me félicitant d’excéder les 15 km/h de son bolide. On se sourit.

La pandémie sévit.

***

Je sors de la douche, j’enfile le même chandail des cinq derniers jours. Je réalise que je m’ennuie de serrer mes frères et mes sœurs dans mes bras, mais pas de m’acheter un t-shirt à 10$ à la Place Versailles.

La pandémie sévit.

Je réponds à des courriels avant de m’élancer pour ma deuxième marche de la journée, bière en main. À une distance de quelques escaliers, je salue mes voisins, qui profitent aussi du soleil du printemps qui s’étire en fin de journée. On se dit bonjour pour la première fois depuis que je me suis installé dans le quartier ― il y a trois ans.

La pandémie sévit.

Le soleil part se coucher. Les voitures dorment toujours. Assis sur ma galerie, j’observe l’humanité qui vient de pogner un flat. Immobilisée sur l’accotement. On réalise tranquillement, tous en même temps, qu’on s’en allait droit dans un mur.

La pandémie sévit.

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