L’art du canotage

Notre collaborateur Guillaume Rivest nous enseigne les bases du canotage et nous fait rêver à une expédition de canot-camping au Québec.

Texte & photos — Guillaume Rivest

Le canot s’inscrit dans notre histoire, dans notre patrimoine… Nos rivières ont été nos premières routes. Le territoire a été parcouru, exploré et découvert avec ce moyen de transport. Parfois considéré comme un objet du passé, le canot mérite certainement d’être redécouvert.

Je pratique le canot depuis mon plus jeune âge. J’aime à penser qu’il s’agit du moyen le plus authentique d’explorer le territoire québécois. J’ai le sentiment que parcourir d’anciennes routes de canot oubliées me connecte culturellement avec mes ancêtres et spirituellement avec la terre qui m’a vu grandir.

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J’ose croire que dans les moments les plus simples, sur le bord d’une rivière, autour d’un feu, à regarder le temps passer, je comprends mieux les Autochtones et je partage l’amour qu’ils éprouvent pour ce même territoire qu’ils ont sillonné durant des millénaires.

La pratique du canot va au-delà de l’accomplissement sportif. Elle combine le dépassement physique et la rencontre culturelle. Physiquement, il est très difficile de portager un canot sur une distance de deux kilomètres avec du matériel d’expédition pour une dizaine de jours. Mais, chaque fois, l’effort est récompensé par un émerveillement à l’idée d’emprunter, peut-être, le même sentier que Autochtones et les coureurs des bois avant nous. Sans compter qu’il y a quelque chose d’incroyable à se lancer dans un lac miroir au coucher du soleil. Il existe peu de moments aussi relaxants que la contemplation d’un paysage sur un plan d’eau, à l’abri de toute perturbation humaine, dans un endroit que seuls quelques portages rendent accessible.

Le canot — et ses moments inoubliables — est plus facile à pratiquer qu’on pense. Voici donc un guide de canot-camping pour les petits nouveaux comme pour les convertis.

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 Trois types d’expédition en canot

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Manœuvres exigeantes, relaxantes, lentes, rapides… Il existe autant de façon de canoter qu’il y a de canoteurs. De plus, la durée n’est pas synonyme de difficulté: j’ai vécu de longues expéditions relaxantes et de très courtes sorties qui se sont révélé de grands défis.

Il n’y a pas qu’une seule manière de faire du canot, ni un seul type d’expédition. Toutefois, certaines approches valent la peine d’être mentionnées. Bien évidemment, il s’agit ici d’une présentation non exhaustive des différentes méthodes. Au fond, l’essentiel, c’est que le pagayeur y trouve son compte en fonction de ce qu’il désire expérimenter.

 

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L’expédition moderne

L’expédition moderne est généralement axée sur la destination. Équipé d’un canot en composite, d’un contenant étanche et de ballons de pointe, le canoteur a comme objectif de descendre une rivière ou de parcourir un plan d’eau en particulier. Surtout fondée sur une approche dite «sans trace», la cuisine sera généralement effectuée sur bruleur plutôt que sur feu de bois. La nourriture est constituée d’aliments déshydratés. Cette approche est utilisée dans la plupart des grandes expéditions, puisqu’elle est axée sur la distance quotidienne à parcourir. Les portions de nourriture sont calculées au gramme et à la calorie près par souci d’économiser espace et poids.

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L’expédition traditionnelle

Ici, l’épopée importe plus que la destination. En expédition traditionnelle, on apporte généralement du matériel qui a fait ses preuves depuis plus de 100 ans: le sac en coton ciré, la couverture de laine et la bonne vieille poêle en fonte. Chaque soir, c’est le feu de camp qui servira de source de chaleur pour la cuisson des aliments. La distance parcourue quotidiennement est moins importante que lors de l’expédition moderne. De toute façon, le but d’une telle expédition est de vivre dans les bois avec ce que la nature nous procure et quelques outils de base. On dit «Bushcraft», en anglais. Traduit grossièrement en l’art de vivre en forêt.

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L’expédition style «camp de base»

Ce genre d’expédition est souvent la formule par excellence pour s’initier au canot-camping. Le camp de base implique que les canoteurs trouveront un endroit particulièrement attrayant où monter un campement, qui leur servira plusieurs jours durant. Une fois celui-ci bien installé, il ne reste qu’à explorer les alentours avec des canots vides de tout matériel encombrant et revenir au campement le soir venu. Le but est de prendre réellement le temps de décrocher et de profiter pleinement de l’endroit. Dans de nombreux cas, plusieurs choisiront de changer d’emplacement à quelques reprises pendant ce type d’expédition, histoire de bonifier l’expérience par une diversité de paysages. Cette façon de faire est particulièrement intéressante sur de grands plans d’eau, qui offrent plusieurs secteurs à explorer sur un parcours non linéaire.

Pour les petits nouveaux

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Comment s’initier?

À 18 ans, j’ai acheté mon premier canot pour la modique somme de 250$. Mon navire était dans un très mauvais état, mais il ne prenait pas l’eau et c’était ça l’important. J’ai commencé par pagayer sur les lacs et les rivières autour de mon village natal en Abitibi. À coup de sortie de quelques heures, j’ai progressivement maitrisé l’art de la pagaie. C’est ainsi que j’ai découvert un sport qui allait faire partie intégrante de mon mode de vie. Bien sûr, nous n’avons pas tous la chance de mettre la main sur une embarcation à bas prix ou de vivre à proximité d’un plan d’eau accessible.

Selon moi, la meilleure façon de s’initier au canot est de suivre des formations. Canot-Kayak Québec, fédération qui régit ce sport, répertorie les cours offerts un peu partout dans la province. Si vous ne trouvez pas de formation dans votre coin de pays, le site Web de la Fédération vous donne également les coordonnées des formateurs qui œuvrent dans votre région.

Il est aussi possible d’organiser des sorties en canot adapté pour les personnes à mobilité réduite.

Les coups de base

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L’art de manier la pagaie vient avec la pratique. À l’ère des réseaux sociaux, les débutants auront peut-être tendance à s’inspirer des mouvements de canoteurs vus sur Instagram ou Facebook, mais plusieurs de ces images font régulièrement «saigner des yeux» les pagayeurs aguerris.

Avant tout, voici trois principes essentiels pour pagayer selon les règles de l’art:

  1. En canot-duo, les deux équipiers ne devraient jamais pagayer du même côté.
  2. Si vous pagayez seul dans un canot-duo, vous devriez vous assoir sur le banc avant en regardant vers l’arrière. Vous pourrez ainsi pagayer plus près du centre du canot et avoir plus d’incidence sur sa direction. Parallèlement, cela vous permettra de garder votre canot à plat.
  3. Théoriquement, un canoteur devrait être en mesure de corriger la trajectoire de son canot sans changer la position de ses mains sur sa pagaie.

Maintenant, voici quelques conseils pour l’apprentissage des coups de base, indispensables à une bonne conduite du canot.

1. La propulsion

Le coup de base en langage canot: la propulsion. Elle a pour but de vous faire avancer. Cela peut paraitre banal, mais ce coup de pagaie est beaucoup plus complexe que l’on pense. Lorsque la propulsion est bien effectuée, c’est le tronc et les abdominaux qui forcent, et non les bras.

2. La rétropropulsion

Autre coup de base, mais pour faire marche arrière. La rétropropulsion est surtout utilisée pour éviter des obstacles en eau vive, se ralentir par rapport au courant à l’intérieur d’un rapide et se positionner adéquatement.

3. Le coup en J

Là, on entre dans le vif du sujet. Le coup en J existe pour corriger la trajectoire du canot. En duo, le pagayeur arrière a toujours plus d’incidence que celui qui est en avant. Ainsi, lorsqu’il pagaie à gauche du canot, celui-ci se dirigera vers la droite et vice-versa. Le coup en J permet de rediriger le canot et de le faire avancer en ligne droite.

4. Propulsion circulaire

La propulsion circulaire est un coup de correction à l’inverse du coup en J. Le but est de faire un grand C avec sa pagaie le plus loin du canot possible et de finir avec la pale de la pagaie sur la pince arrière du canot.

5. Et les nombreux autres coups

Il existe un très grand nombre de coups de pagaie et de variations, comme les appels (actifs, d’incidence, débordés, en godille, etc.), les appuis, les écarts, etc. Évidemment, expliquer ici l’ensemble de ces coups n’aurait pas l’effet voulu. Il existe une panoplie de vidéos formateurs et intéressants qui vous permettra de visualiser et de pratiquer par vous-même les différents coups de pagaie. Le mieux serait encore de suivre une formation.

L’équipement de base 

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Un bon équipement peut faire la différence entre une sortie agréable et une expérience désastreuse. Voici une liste du matériel que vous devriez minimalement avoir à chaque sortie.

Équipement de sécurité obligatoire (vous êtes légalement obligé de l’avoir)

  • Une veste de flottaison individuelle ou VFI (une par personne)
  • Une ligne flottante de 15 m
  • Une écope (pour vider l’eau du canot)
  • Un dispositif de signalisation sonore (comme un sifflet sans billes parce qu’avec billes, ça ne fonctionne pas dans l’eau)

Équipement suggéré

  • Sac au sec ou baril étanche
  • Linge sec et chaud (placé dans un contenant étanche pour des situations d’urgence)
  • Carte détaillée du plan d’eau et système d’orientation
  • Lampe frontale
  • Bouteille d’eau d’un litre
  • Trousse de premiers soins
  • Petit kit de survie
    • Quelque chose pour allumer un feu (et les compétences pour le faire)
    • Couteau (ou canif)
    • Système de traitement pour l’eau (par exemple, pilule d’iode)
    • Nourriture d’extra
    • Système de communication d’urgence (SPOT, cellulaire, téléphone satellite)

Il est important de préciser quelque chose. Un peu partout sur Internet, on peut lire des «Top 5 des outils essentiels à la survie», «Top10 des objets à avoir avec soi en canot» et autres palmarès du genre. De mon point de vue, c’est une approche nocive. Peu importe le matériel que vous apporterez, l’important est de comprendre pourquoi vous l’apportez. Il ne sert à rien d’avoir un allume-feu au magnésium si on n’a jamais utilisé ce genre d’outil. Le combo carte-boussole-GPS ne vaut pas grand-chose sans les compétences en orientation qui viennent avec…

Bref, il faut savoir quoi apporter, mais également comment s’en servir et pour cela, il n’y a pas de secret: l’expérience et les formations sont la clé.

Les trucs infaillibles

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  1. Un sac ou un baril étanche sont les meilleurs amis du pagayeur. Peu importe le type de condition ou d’expédition, le fond du canot accumulera quasi invariablement un peu d’eau. Tout ce qui n’est pas dans un contenant hermétique finira donc par être mouillé.
  2. Placez votre équipement dans vos sacs en fonction des besoins. Par exemple, rangez votre imperméable sur le dessus pour éviter d’avoir à vider le contenu s’il commence à pleuvoir.
  3. Apportez une bâche: la bâche est probablement votre meilleure alliée. Ce devrait être la première chose à installer à votre arrivée au campement lors de conditions plus difficiles. Elle vous permettra de vous placer à l’abri et d’ouvrir vos sacs sans exposer leur contenu aux intempéries.

Comment planifier une expédition

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Pour planifier une expédition, il faut prendre de nombreux facteurs en considération:

1. Planifier en fonction du trajet

Le trajet dictera tout. Il faut déterminer la distance totale qui sera parcourue, les obstacles techniques (portages, rapides, etc.), l’isolement du plan d’eau et ainsi de suite. Toutes ces informations devraient normalement vous indiquer la durée nécessaire pour effectuer la descente. Notez qu’il faudra compter beaucoup de temps pour le repérage des rapides et les portages.

Pour un canoteur expérimenté, il peut être facile de parcourir 25 km dans une journée. Toutefois, pour quelqu’un qui commence, 10 km peut s’avérer être une distance appréciable. Ainsi, il est important de bien comprendre le trajet qu’on s’apprête à parcourir et d’être conscient de son niveau d’expérience.

2. Réfléchir par repas

Le défi en expédition, c’est d’apporter la bonne quantité de nourriture. Juste assez pour que personne n’ait faim, mais pas trop pour ne pas avoir de pertes. La planification par repas aide grandement. Ainsi, comptez le nombre de repas de votre séjour. Cela vous permettra de prévoir le menu et les quantités pour chacun d’entre eux.

Plus votre expédition est longue, plus vous devrez prendre en considération la préservation de vos aliments. Généralement, opter pour des aliments secs qui ne pourriront pas lors d’expéditions plus longues est une bonne idée. Si vous apportez de la nourriture fraiche (légumes frais, viandes, etc.), consommez-les dans les premiers jours de votre expédition.

3. Apprenez à lire une carte et à être compétent en orientation

La lecture de carte est essentielle à tout type d’expédition, le canot ne fait pas exception. Il est essentiel d’être en mesure de comprendre et de lire une carte-guide en expédition de canot. Personne ne veut tomber dans un rapide infranchissable à cause d’une erreur de lecture de carte.

Idées d’expédition:

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Le Québec est sans doute l’une des destinations nautiques par excellence au monde. Les trajets ne manquent pas. Nos innombrables lacs et rivières gagnent à être mis en valeur. 

Pour terminer, voici quelques suggestions qui pourraient vous plaire:

L’Abitibi-Témiscamingue

Plutôt méconnus d’un point de vue touristique, plusieurs des 22 000 lacs et rivières de l’Abitibi-Témiscamingue sont pourtant d’extraordinaires sites pour les canoteurs. Que ce soit pour les eaux calmes du lac Kipawa, des innombrables parcours de la réserve faunique de La Vérendrye, de la tumultueuse rivière Dumoine ou encore pour les fleuves nordiques comme la rivière Harricana, tout le monde trouvera un plan d’eau à sa mesure dans cette région située à l’extrême ouest du Québec. Ici, les possibilités sont infinies.

La région d’Eeyou Istchee Baie-James

Ce territoire légendaire abrite de nombreuses très grandes rivières du Québec, dont la Broadback, la Rupert ou la Nottaway. La plupart de ces rivières pourraient être considérées comme des fleuves. Pour les descendre, il faut être guidé ou avoir de solides connaissances en canot d’eau vive et en gestion d’expédition.

La Côte-Nord

La région de la Côte-Nord déborde de cours d’eau palpitants et peu fréquentés. Que ce soit la légendaire rivière Magpie ou le réservoir Manicouagan, le pays des Innus à de quoi séduire par son caractère nordique unique et la vastitude du territoire.

Le Saguenay-Lac-Saint-Jean

Sans doute l’un des paradis de l’eau vive au Québec, le Saguenay-Lac-Saint-Jean offre de tout: des rivières nordiques aux grands courts, des petits cours d’eau aux rapides de classe mondiale ou encore, l’incontournable fjord du Saguenay. Cette région a aussi l’avantage d’avoir de nombreux promoteurs en tourisme d’aventure bien établis pour les personnes qui désirent être guidées.

Quand planifier son expédition de canot? 

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En fonction de votre expérience et de votre équipement, la saison du canot peut être très longue. Avec les bonnes combinaisons thermiques, le meilleur moment pour pratiquer l’eau vive est généralement au printemps lorsque les rivières sont en crues. L’automne, malgré l’eau plus froide et les nuits fraiches, les couleurs des arbres sont majestueuses. Bref, un pagayeur motivé et bien équipé peut généralement naviguer d’avril à octobre.   

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Le Québec est une terre d’exception en ce qui concerne les parcours pagayables. Ce n’est pas très surprenant lorsqu’on pense que 3% des réserves d’eau douce au monde sont dans notre province. Explorer le Québec par la voie des eaux, c’est mettre en valeur nos plus beaux atouts.

Ce petit guide très succinct représente une porte d’entrée vers un monde immensément vaste. S’il remplit sa fonction, vous irez peut-être pagayer très prochainement. Rappelez-vous simplement que sur l’eau la prudence est de mise. Il est toujours conseillé de ne pas sortir seul. En cas de doute, respectez vos limites et entourez-vous de gens compétents qui sauront vous faire progresser.

En tous les cas, si vous voulez faire honneur à ce guide, sortez dehors pagaie à la main et allez explorer cet immense terrain de jeu qu’est le nôtre.

Guillaume Rivest est un journaliste-chroniqueur spécialisé en plein air et en environnement. Aventurier à ses heures, il est également guide et a fondé sa propre entreprise: Exode bâtisseur d’aventures. À travers celle-ci, il offre des expéditions tout-inclus dans le but de faire vivre des expériences uniques et complètes alliant nature, culture et dépassement.

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