L’atelier trois saisons

Alan Adriano MacQuarrie a bâti un espace de travail sur le terrain familial dans La Vallée-de-la-Gatineau. Il l’a imaginé comme un pont entre le passé et le présent.

Texte—Juliette Leblanc
Photos—Alan Adriano MacQuarrie

À 19 ans, Alan Adriano MacQuarrie travaillait dans une pharmacie et étudiait en journalisme à l’Université Concordia, tout en contemplant la possibilité de bifurquer en architecture. À l’époque, tout le monde s’intéressait aux vélos; il a donc fait le saut lui aussi, en s’achetant une vieille monture de route pour explorer Montréal pendant ses temps libres. Bientôt, il devenait messager à vélo sur le conseil d’un ami et interrompait ses études.

Avec le recul, Alan considère que ses choix d’alors étaient des coups de tête insouciants. Mais comment peut-on même entrevoir la possibilité de se construire en tant que jeune adulte si on ne s’offre pas la latitude pour le faire? C’est en prenant des détours, étiquetés à tort comme des errances, qu’on peut faire des choix qui nous correspondent réellement.

Au sein de la communauté des messagers et des messagères à vélo, Alan a donc apprivoisé Montréal d’une manière à la fois abstraite et concrète. Son quotidien l’amenait à découvrir des quartiers, des rues, des ruelles, des détours, des nids-de-poule et des chantiers de construction; à observer la valse des travailleur·euse·s du centre-ville; et à apprécier des détails qui passent inaperçus pour la majorité d’entre nous.

«Travailler comme messager à vélo m’a immergé dans Montréal. Tous les jours, je m’imprégnais de la ville en tant que système à grande échelle, et des édifices comme composants de ce système», dit Alan.

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Jeune, Alan ressentait déjà le besoin de créer à travers ses jeux. Il transformait des bouts de plomberie, fils électriques et retailles de bois en une multitude d’objets.

En 2013, le décès de sa mère l’a confronté à de nouveaux défis. Son père vieillissant, il est devenu le responsable du chalet et du terrain de sa famille à Messines, dans La Vallée-de-la-Gatineau. Ces évènements, couplés à son expérience formatrice de messager à vélo, ont finalement ramené Alan sur les bancs d’école — ceux de la Faculté d’architecture de l’Université McGill.

Après l’obtention de sa maîtrise, il a eu envie de dessiner un bâtiment sur le terrain dont il se trouvait désormais responsable. L’endroit était synonyme de souvenirs d’enfance et de moments précieux entouré de ses proches. Les vacances estivales, la période des Fêtes, les anniversaires: tous les prétextes étaient bons pour se rendre dans cette deuxième maison en bordure de lac.

Le projet devait répondre à trois critères principaux: prendre la place d’une remise délabrée datant des années 40; inclure une mezzanine pour sécher du bois et entreposer de l’équipement; et comprendre un espace servant d’atelier pour des projets de menuiserie ou d’ébénisterie.

Alan a conçu l’atelier comme une étable, c’est-à-dire qu’il l’a fabriqué majoritairement en bois.

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Andrew pendant la construction de la charpente en 2019

L’objectif était de construire une structure qui respire, à l’aide d’un éventail de matériaux issus du paysage local. Aucune matière imperméable synthétique n’a été utilisée dans les murs. Le revêtement en bois, le toit en tôle et les panneaux transparents de polycarbonate donnent à l’atelier une allure résolument contemporaine, bien que la construction s’insère naturellement dans son environnement.

«Je tenais à me procurer des matériaux produits localement ou, du moins, vendus à la cour à bois locale. C’est pour moi une manière de célébrer les matériaux accessibles, tout en permettant la construction d’une structure vernaculaire.»

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La réalisation du projet s’est enclenchée assez rapidement: l’idéation et le design final ont eu lieu en janvier 2019, la demande pour un permis de construire a suivi en mai, le démantèlement de l’ancienne remise s’est fait en juin, les fondations ont été coulées en juillet, et la charpente a été construite en aout. Depuis, Alan travaille doucement sur les différentes étapes restantes — revêtements, finition et détails.

Puisqu’il s’agissait de son premier projet imaginé et construit du début à la fin, Alan a fait appel à son ami Andrew, charpentier-menuisier travaillant dans la région de Toronto, pour la conception de la charpente en 2019.

Joel, un ami d’Alan, en visite sur le chantier

De bonne grâce, Andrew a accepté d’y consacrer une partie de ses vacances — parce que les projets de cœur trouvent toujours écho auprès des artisan·e·s.

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La possibilité de travailler sur un tel chantier, dans un environnement intéressant, avec des plans détaillés en main, a rendu l’expérience réellement agréable pour les deux amis. «Je dois plusieurs de mes connaissances et beaucoup du projet à Andrew, c’est important de le souligner.»

 

Alan travaille présentement pour un petit studio d’architecture nommé Atelier Schleiss Carter, qui a pignon sur rue dans le quartier Pointe-Saint-Charles, à Montréal. Là-bas, son amour pour le dessin, ainsi que pour la relation entre l’humain et son environnement, peut fleurir quotidiennement. Et lorsqu’il le peut, il aime imaginer des lieux imprégnés de souvenirs et d’héritage qui, comme son atelier, créent des ponts entre le passé et le présent.

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