Harmonie sylvestre

Lorsque Maria Milans del Bosch a décidé de concevoir un havre de paix en pleine nature dans les montagnes Catskill, elle a combiné les ressources du lieu et le savoir-faire des artisan.e.s locaux avec la technique japonaise traditionnelle de cèdre brulé.

Texte—Mark Mann
Photos—Montse Zamorano

Nichée dans une clairière à flanc de colline, au cœur des montagnes Catskills, dans l’État de New York, la maison en bois de l’architecte espagnole Maria Milans del Bosch se fond avec la forêt environnante. Avec son revêtement de cèdre brulé aux reflets chatoyants et ses angles subtils, la maison a été conçue pour s’harmoniser avec son environnement au fil des saisons.

«Quand on est dans la maison, on veut profiter pleinement de ce qui se passe à l’extérieur», explique Maria Milans del Bosch.

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Le surnom de la construction, «Camp O», évoque la nature première de la maison, celle de lieu de rassemblement en nature pour la famille et les ami·e·s, à la manière d’un terrain de camping. Le «O» de «Camp O» fait également référence à «Olivares», le nom de famille du mari de Maria Milans del Bosch. Enfin, le mot espagnol campo, qui signifie «forêt», est un clin d’œil aux origines de l’architecte.

Ici, on est entouré d’arbres. Le salon offre une vue imprenable sur la réserve naturelle Catskill, à l’est, une zone sauvage classée «forever wild» par l’État de New York. Protégés depuis plus d’un siècle, les érables, bouleaux et chênes de la région forment aujourd’hui une forêt d’arbres matures qui attire chaque année des foules de visiteurs venus admirer les couleurs spectaculaires de l’automne. À l’opposé des fenêtres panoramiques donnant sur le mont Wildcat, de grandes vitres installées en hauteur laissent entrevoir la cime des arbres environnants.

Grâce à ces deux ouvertures, à l’est et à l’ouest, la maison profite d’une lumière directe durant la journée; le soleil illumine la vallée le matin, et filtre à travers les arbres derrière la maison en après-midi. «On voit les changements dans la maison à mesure que la journée avance», affirme Maria Milans del Bosch. Selon l’architecte, les emplacements des fenêtres à des hauteurs différentes permettent à la maison d’avoir une bonne ventilation transversale lors des journées chaudes.

Tous les aspects de Camp O ont été réfléchis de manière à tirer le maximum de son environnement et à mettre en valeur la beauté naturelle des matériaux. Comme la maison a été construite sur un terrain en pente, plutôt que d’aménager un sous-sol, Maria Milans del Bosch a conçu une enveloppe en béton dont la paroi ouest sert de mur de soutènement. Au lieu d’opter pour le système poteaux-poutres classique où la matière isolante est insérée dans les murs — ce qui crée des «ponts thermiques» et entraine une perte de chaleur —, Maria Milans del Bosch a fait installer l’isolation sur la structure en béton extérieure. Un tel système permet de laisser la structure intérieure telle quelle, sans faire de compromis sur l’efficacité énergétique. Dans la maison, le contreplaqué et le béton à l’aspect épuré créent un décor à la fois rustique et moderne.

Selon l’architecte, la présence du bois dans la maison agit comme prolongement de l’extérieur en absorbant les nuances des saisons. «À l’intérieur, on a l’impression que tout prend une teinte rougeâtre en automne, et que c’est plus vert au printemps et en été.»

En hiver, la lumière douce et diffuse du soleil, qui traverse les arbres désormais dépourvus de feuilles et rebondit sur la neige, inonde la maison et illumine le bois de façon encore plus marquée.

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Si Maria Milans del Bosch essaie d’utiliser les matériaux accessibles et de recourir à des artisan·e·s et à des professionnel·le·s locaux, elle n’hésite pas à intégrer des innovations et des méthodes reconnues à l’international. Pour le projet de Camp O, elle a choisi un revêtement en cèdre rouge traité selon l’art traditionnel japonais du shou sugi ban, qui consiste à bruler le bois.

Apparu au 18e siècle et utilisé au départ pour les granges et les fermes, le shou sugi ban est une technique simple et entièrement naturelle, consistant à bruler le bois pour imperméabiliser l’extérieur d’un bâtiment et dont l’efficacité est nettement supérieure aux méthodes synthétiques. Cette méthode rend également le bois beaucoup plus résistant au feu et aux insectes.

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Et le plus intéressant, selon l’architecte, c’est que ce traitement ne nécessite aucun entretien: «Contrairement au bois huilé, teint ou peint, le bois brulé peut évoluer dans le temps sans soins supplémentaires.»

En plus d’être pratique, le shou sugi ban donne un résultat magnifique, procurant au bois une texture chatoyante selon la lumière.

«Lorsque la lumière du soleil frappe directement un morceau de bois brulé, celui-ci prendra une teinte argentée. La couleur du bois va donc fluctuer selon la façon dont la lumière se reflète sur la façade», explique Maria Milans del Bosch, qui ajoute que l’apparence du cèdre brulé aura tendance à pâlir au fil du temps.

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«L’aspect du bois, lorsque nous l’avons installé, était assez uniforme. Avec le temps, les résidus de charbon se décomposent et les zones brunes du bois deviennent argentées sous les rayons du soleil. Bref, l’apparence évolue au rythme des arbres.»

La technique du shou sugi ban illustre parfaitement la vision de Maria Milans del Bosch, qui privilégie un design intemporel. «Pour moi, l’intemporalité, c’est d’utiliser les matériaux à leur plein potentiel», dit-elle. L’architecte prouve ainsi qu’un design innovant est souvent le plus sensé et le plus durable.

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