Un refuge dans les montagnes

Les deux frères derrière Pedevilla Architekten ont imaginé un bâtiment de service au cœur des Dolomites italiennes.

Texte—Juliette Leblanc
Photos—Gustav Willeit

Tout d’abord, leçon de géographie: dans le nord-est de l’Italie se situe la province autonome de Bolzano, qui porte également le nom allemand de Südtirol. Allemand? Oui, puisque cette partie du pays, à la frontière de l’Autriche et de la Suisse, abrite une population majoritairement de langue allemande.

C’est là, dans la ville de Brunico (Bruneck), que se sont installés les architectes Armin et Alexander Pedevilla. Après avoir fait leurs études à Graz, en Autriche, et ouvert leurs studios respectifs, les deux frères — mus par un intérêt commun pour les constructions alpines — sont retournés s’établir dans leur région natale en 2005 et y ont fondé Pedevilla Architekten.

Le savoir-faire traditionnel est pour eux un élément primordial, tout comme la durabilité des matériaux sélectionnés. Ils privilégient donc les matières et les artisan·e·s du coin. Leur mot d’ordre? «Il ne s’agit pas pour nous d’un choix intellectuel, mais bien émotionnel: nous voulons offrir à nos projets la possibilité de vieillir avec dignité.»

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Dans cette région au décor époustouflant se trouve le parc naturel des Dolomites, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Un passage sillonne le paysage escarpé: le Kreuzbergpass, un col des Alpes italiennes situé à une altitude de 1 636 m entre les provinces de Südtirol et de Belluno.

C’est à cet endroit que s’élève, depuis 2020, une construction imaginée par le duo Pedevilla, en collaboration avec Willeit architektur. Ce bâtiment de service épouse la silhouette des sommets montagneux en s’imbriquant naturellement dans la géologie avoisinante. Niché au cœur du Meridiana di Sesto, gigantesque cadran solaire naturel, le lieu est d’ailleurs idéal pour observer le phénomène saisissant qui s’y produit une fois par année: le jour du solstice d’hiver, la position du soleil coïncide, suivant l’heure qui les désigne, avec les sommets Nove (9), Dieci (10), Undici (11), Dodici (12) et Una (1).

Le bâtiment, situé stratégiquement au point d’entrée le plus à l’est du parc des Dolomites, comprend un bloc sanitaire ainsi qu’un kiosque d’information sur les nombreux sentiers de randonnée et les abris alpins. Il tient également lieu de refuge contre la pluie et la neige.

La structure extérieure, faite de béton à base de roches locales dolomitiques, reflète la lumière comme un phare posé sur la ligne d’horizon. Le noyau interne du bâtiment est quant à lui constitué de bois de mélèze taillé à la main. Des éléments en verre solide ambré lient les deux matériaux et offrent un rappel visuel de la résine des mélèzes.

Résultat: les visiteur·euse·s y ressentent confort et sécurité, même si le climat est somme toute rude.

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Le toit à pignon escarpé imite l’angle transversal des montagnes en arrière-plan, ce qui augmente sa visibilité de loin et en fait un point de repère. L’auvent, plutôt bas en contrepartie, rend le bâtiment moins imposant à son approche et lui permet de dégager, selon le duo d’architectes, un «effet invitant et agréablement sécurisant». Deux corridors — un clin d’œil au nom du lieu, Kreuzbergpass — traversent le bâtiment sur la largeur et le transforment en véritable portail vers les montagnes. Ces ouvertures sur l’immensité du paysage environnant créent l’impression que l’extérieur est à l’intérieur, et vice versa.

D’ailleurs, l’utilisation de ce passage montagnard remonte (presque) à la nuit des temps: ce sont les Romains de l’époque classique qui, profitant de l’élévation relativement modérée du col, y ont construit la première route pavée. La route actuelle, datant de 1930, offre une vue spectaculaire sur le décor montagneux. Elle amorce en quelque sorte la transition entre les deux provinces qui l’encadrent: Südtirol et Belluno.

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