Minimalistes with a twist

En Norvège, Tormod Amundsen et son équipe chez Biotope font de l’architecture «invisible»: les petits abris qu’ils conçoivent s’intègrent parfaitement à l’environnement qui les entoure.

Texte — Juliette Leblanc et Jeremy Young
Photos — Biotope

«Bios veut dire “vie” et topos, “lieu”», explique l’ornithologue et architecte Tormod Amundsen. Les deux termes grecs qui forment le nom de son entreprise, Biotope, reflètent tout à fait la philosophie de son équipe de créateurs. 

«Je m’inspire beaucoup du concept norvégien de bålkos, qui veut qu’on ait seulement besoin d’un foyer extérieur (bål) ainsi que de temps et de confort pour en profiter, explique Amundsen. Je me trouve souvent dans la nature et il m’arrive de me bâtir un abri temporaire pour la nuit. Mon but est de créer les conditions qui correspondent parfaitement à l’esprit du bålkos

C’est d’ailleurs ce qu’a fait son entreprise quand elle a déménagé à Vardø, dans l’espoir d’aider à relancer une économie locale moribonde. En 2009, cette ville de l’Arctique s’est classée au dernier rang national en la matière. Amundsen a eu l’idée de recourir à l’ornithologie pour renverser cette tendance; les architectes de Biotope nourrissent en effet une passion pour la faune ailée, qui constitue l’une de leurs principales inspirations au travail. «En règle générale, on a tendance à prendre soin de ce que l’on a appris à aimer», explique Amundsen. 

Investis de la mission d’informer la population et les touristes au sujet de la biodiversité de leur région, Amundsen et ses collègues ont conçu et bâti des structures ouvertes et attrayantes, qui rapprochent l’humain de son environnement. Biotope considère en effet l’architecture comme un formidable outil de protection et de promotion de la nature: cela peut passer par l’aménagement de sentiers et d’espaces culturels, ou encore par la construction de lieux d’observation d’oiseaux et de caches pour pratiquer la photo.

L’architecture des caches et des abris contre les intempéries doit d’abord tenir compte du paysage environnant. On fait ressortir la personnalité de chaque lieu, sans perdre de vue la faune qui y vit, ni la direction du vent. On cherche ensuite à atteindre un équilibre entre le confort de l’humain, l’esthétique et les besoins des oiseaux. «Notre façon de construire témoigne de notre perception des gens et de la nature», précise-t-il.

En règle générale, les caches d’observation classiques ressemblent à de grosses boîtes en bois percées de trous. Elles sont essentiellement conçues pour que les oiseaux et les autres animaux ne voient pas les humains qui les contemplent, tout en permettant à ces derniers de le faire d’assez près. Sur le plan architectural, elles présentent souvent peu d’intérêt ou donnent l’impression de ne pas être à leur place ce qui laisse croire aux observateurs qu’ils ne le sont pas non plus.

On considère trop souvent l’architecture comme une fin en soi, une conception qui, d’après l’équipe de Biotope, est à la fois obsolète et prétentieuse. On assiste cependant à l’émergence de nouvelles générations d’architectes qui favorisent une approche plus intentionnelle et qui s’efforcent d’œuvrer en faveur d’un changement positif, même si cela exige de puiser l’inspiration à l’extérieur des établissements d’enseignement. Ils pratiquent ce que l’on désigne parfois comme du design écoresponsable ou de l’architecture adaptée au climat. Ce mouvement, qui n’en est qu’à ses débuts, s’appuie sur l’idée selon laquelle on doit désormais tenir compte du changement climatique au moment de penser des bâtiments. Il faut ainsi veiller à ce qu’ils puissent s’adapter à l’élévation du niveau de la mer, à l’augmentation de la salinité des océans et aux phénomènes météorologiques violents — et, surtout, à ce qu’ils s’intègrent bien à leur environnement. 

D’après Amundsen, les architectes qui proposent des projets écologiques ont tendance à se contenter de calculer les émissions de CO2. Or, estime-t-il, cela témoigne d’une vision très étroite de la relation entre un bâtiment et la nature qui l’accueille.

«Personnellement, je ne vois pas beaucoup d’intérêt à aborder la question avec une approche strictement scientifique, précise-t-il. Je veux ressentir une connexion émotionnelle avec la nature, pas seulement une connexion qui s’appuie sur des chiffres.»

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En somme, si l’on recherche un équilibre dans les interactions entre un bâtiment et son environnement, le minimalisme peut être la solution. « Quand on dessine une structure, on se demande souvent si on pourrait en faire moins», explique d’ailleurs Amundsen. C’est pourquoi les structures de Biotope sont ouvertes, en apparence invisibles. Les utilisateurs doivent ultimement se sentir protégés et connectés à la nature qui s’offre à leurs yeux. En d’autres mots, ils doivent être présents sans l’être.

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