Petit guide du slow travel

Voyager à l’ère des crédits carbone, de la géolocalisation et de l’urgence climatique.

Texte — Juliette Leblanc

C’est un fait: nous voyageons plus que jamais. Les applications d’hébergement abordable, les réseaux sociaux qui nous propulsent sans cesse vers de nouveaux endroits à visiter, les billets d’avion au rabais, tout ça facilite grandement nos déplacements à l’étranger. Mais cette démocratisation du voyage vient avec une responsabilité: celle de remettre en question les pratiques mêmes qui la sous-tendent.

Comment voyager de manière éthique, sur les plans humain et écologique? Chose certaine, nous ne pouvons pas tous traverser l’océan en voilier. Chez BESIDE, nous croyons qu’il existe d’autres voies à emprunter, quelque part entre les comportements insouciants et les solutions parfaites. En 2020, il est temps de voyager différemment.

La tendance du slow travel s’impose comme contrebalancier salutaire à la dictature de l’instantanéité. Elle tire ses origines du concept de slow food, qui a émergé en Italie en 1986, à la faveur d’un mouvement citoyen anti-McDonald qui avait pour objectif de soutenir la cuisine régionale, les fermiers locaux et les repas communautaires. Progressivement, cette notion a trouvé écho chez les voyageurs un antidote au monde complexe et trépidant dans lequel nous vivons mais qui, souvent, menace de nous avaler. Le concept du slow travel (vous l’aurez deviné): ralentir. Savourer le parcours plutôt que la destination. Apprendre à connaitre un lieu, sa cuisine, son peuple et ses traditions, plutôt que de compléter un marathon de choses à voir absolument. 

Voici des pistes pour un voyage plus lent, plus conscient et plus satisfaisant. 

 

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La destination

 

Se retenir de visiter un lieu aperçu dans un film, une série, un vidéoclip ou une publication Instagram.

Le canyon Fjaðrárgljúfur, en Islande, est désormais fermé au public. Pourquoi? Entre autres parce que notre Justin Bieber national y a filmé le vidéoclip de la pièce I’ll show you (soulignons ici l’ironie du titre), provoquant un intérêt frénétique pour l’endroit autrefois immaculé. Des dommages considérables aux éléments naturels du canyon ont forcé le gouvernement à y interdire les visiteurs. Les histoires similaires abondent: des lieux aperçus quelques secondes dans Game of Thrones ou Harry Potter sont désormais bondés de touristes. 

Photo: Agnieszka M.

Instagram et les réseaux sociaux en général provoquent aussi de véritables raz-de-marée humains. Le parc Joffre Lakes, en Colombie-Britannique, est un exemple éloquent d’espace naturel envahi par les touristes. Ils sont en effet des milliers à conduire plus de deux heures depuis Vancouver pour prendre la «photo parfaite» sur l’Instalog — une buche à demi submergée qui fait fureur sur les réseaux sociaux. Or, ce type de comportement affecte la faune et la flore des endroits visités, parfois de manière irréversible. En évitant la géolocalisation au moment de partager votre expérience avec vos abonnés, vous aiderez à la préservation de lieux naturels et historiques.

Oser plutôt une destination moins populaire, plus écolo, ou en réel besoin de tourisme.

Certaines destinations proposent des initiatives intéressantes de tourisme durable. C’est le cas de la Slovénie, qui répond à plusieurs critères: des instances dirigeantes s’occupent du volet durabilité et on y dénote un engagement fort pour la protection des ressources naturelles, entre autres. Le pays compte 4 parcs nationaux, 48 destinations certifiées écoresponsables et une offre variée d’hébergements durables. Les trois quarts du territoire de la capitale, Ljubljana, sont d’ailleurs formés d’espaces verts — aquatiques, forestiers et agricoles.

Une autre option est de visiter des lieux reconstruits à la suite de désastres naturels. À Puerto Rico, par exemple, l’industrie touristique s’est redynamisée après l’ouragan dévastateur de 2017. Des voyageurs fidèles y reviennent, année après année, dans l’objectif d’aider l’économie locale. Ils sortent des complexes touristiques de bord de mer pour découvrir la culture de ce territoire, ainsi que ses artisans, qui ont grandement besoin de soutien.

«Le voyage et le tourisme sont probablement les outils les plus efficaces pour le rétablissement d’une population affectée.» 

– Laurie Myers, chef de projet pour le Global Travel and Tourism Resilience Council
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Mesurer l’impact de sa présence.

Les lieux ultrapopulaires n’ont pas toujours les infrastructures nécessaires pour accueillir un tel flot de visiteurs. L’Ile de Pâques, au Chili, n’est plus en mesure de gérer la quantité de déchets engendrés par le tourisme. Les systèmes d’égouts de Venise, de Barcelone et de plusieurs iles des Philippines ne suffisent pas non plus à la demande: leur contenu est déversé directement dans l’océan. Bali fait face à une crise d’eau potable, que n’aident en rien l’augmentation du volume de voyageurs et la prolifération des hôtels. Jamais nos envies de dépaysement ne devraient primer sur les besoins de la population locale, ni sur ceux de la nature. 

Si vous souhaitez ab-so-lu-ment visiter des lieux déjà achalandés, privilégiez les périodes de basse saison durant lesquelles votre présence aura un impact moins négatif sur l’environnement et les communautés visitées.

– 2 –

Les déplacements

 

Vous ressentez une pointe de flygskam — concept suédois qui évoque «la honte du vol» — à l’achat d’un billet d’avion? Vous avez des doutes grandissants quant à la pertinence des crédits carbone? En effet, il n’y a pas de solution parfaite en matière de déplacements aériens. Lorsqu’ils sont multipliés, les vols courts consomment beaucoup d’essence, le moment du décollage étant particulièrement énergivore; et les vols longs ont une empreinte écologique accrue étant donné leur durée. Même en privilégiant les vols directs, on ne s’en sort pas. Cela dit, on peut choisir de se déplacer… 

… moins loin. 

Sillonnez votre cour arrière! Nous avons tous tendance à croire que l’aventure se trouve à des milliers de kilomètres de la maison, mais c’est parce que nous connaissons bien mal notre région, notre province ou notre pays. Qui sait, vous avez peut-être un site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO à quelques kilomètres de chez vous! 

… plus doucement. 

Optez pour des modes de transport — le train, le vélo, la randonnée — qui deviennent partie intégrante du voyage. Des destinations autrefois peu envisageables à deux roues sont désormais accessibles via des réseaux de pistes cyclables. Cuba à vélo? Assurément différent du tout-inclus à Cayo Coco. La randonnée est quant à elle idéale pour une expérience en nature causant un impact minimal sur les écosystèmes. Des réseaux de parcs nationaux existent partout sur la planète; les options sont presque infinies. 

 

– 3 –

L’hébergement

 

Dans certaines villes, le tourisme a pour conséquence de réduire le parc de logements locatifs, au détriment des habitants. Pour vivre une expérience différente, utilisez des outils en ligne tels que Bookdifferent ou Fairbnb, qui remet 50% des frais de gestion à un projet solidaire de votre choix; ainsi, vous soutenez l’innovation locale tout en encourageant le tourisme responsable. 

Des lieux certifiés écologiques et durables sont toujours à privilégier. Plusieurs options d’hébergement à petite échelle peuvent être considérées, comme une ferme qui fonctionne avec des panneaux solaires, offre des produits biologiques frais ou emploie des travailleurs locaux. Pourquoi ne pas…

Essayer le house-sitting. 

Le house-sitting est né en France dans les années 1980. C’est une option d’hébergement à dimension humaine qui promeut l’entraide et favorise une expérience locale: vous pouvez soit effectuer un échange de maisons, soit veiller sur la maison d’une personne qui s’absente. Et les formules du genre abondent: il y a le farm-sitting, le pet-sitting, etc.

Tenter la vie de van. 

L’attrait du vanlife prend de l’ampleur depuis plusieurs années. La tendance, popularisée sur Instagram (évidemment!), comporte son lot d’avantages, à commencer par celui de combiner l’hébergement et le transport. Une manière certes imparfaite, on vous avait prévenus de voyager plus lentement et de visiter des lieux hors des sentiers battus. 

Visiter des proches (et des moins proches).

Si vous en avez la possibilité, déjouez Airbnb en vous installant quelques jours chez de la famille, des amis ou des amis d’amis à l’étranger. En plus d’approfondir vos liens avec eux, vous aurez accès à leurs meilleurs spots et vous pourrez justifier les love miles accumulés durant le voyagement. 

Photo: Tobias Tullius

Et voyager moins? 

 

En 2018, 1 106 millions de personnes ont pris l’avion en Europe. Aux États-Unis, chaque jour, ce sont en moyenne 2 789 971 passagers qui décollent et atterrissent. Malgré ces chiffres gargantuesques, il semble qu’une pointe de changement se profile. L’«effet Greta» se ferait sentir en Suède, où les autorités aéroportuaires constatent une baisse du nombre de voyageurs. En 2019, deux activistes suédoises, Maja Rosen et Lotta Hammar, auraient d’ailleurs persuadé 14 500 personnes de passer une année sans prendre l’avion, au moyen de leur initiative Flygfritt (sans vol). 

En cette période de séjours à petit prix dans le Sud et de grands bouleversements environnementaux, la question se pose: comment devrait-on voyager en 2020? La réponse se trouve certainement à mi-chemin entre le moins et le mieux. 

 

Note éditoriale: Nous abordons la thématique du voyage en toute humilité. Nous sommes conscients du fait que nous faisons tous partie du problème — et de la solution.

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