Texte — Mark Mann
Le mot «pionnière» revient souvent pour décrire Agnes Denes. L’artiste d’origine hongroise a contribué à l’émergence de plusieurs mouvements artistiques importants dans les années 60 et 70 — à commencer par ceux de l’art environnemental et du land art. Elle est, de fait, l’une des premières à avoir produit des œuvres écologiques à grande échelle.
Dans «Rice/Tree/Burial» (1968), Denes explore les possibilités et les limites de la communion avec la nature. La performance, réalisée dans le nord de l’État de New York, comporte trois parties: l’artiste plante d’abord des graines de riz dans un champ, enchaine les arbres qui se trouvent autour, puis enfouit dans le sol une capsule renfermant un haïku de sa plume. Dix ans plus tard, elle crée une autre version de la même œuvre, mais dans une décharge industrielle. À cause des toxines, le riz prend une teinte rougeâtre.
En 1982, Denes réalise son œuvre la plus célèbre: elle sème un champ de blé d’environ un hectare dans une décharge du sud de Manhattan, avec, en arrière-plan, le quartier financier de New York. Deux-cents camions chargés de terre sont nécessaires pour concevoir «Wheatfield — A Confrontation» sur cette propriété évaluée à 4,5 G$, même s’il s’agit d’un dépotoir. (Aujourd’hui, le site abrite le Battery Park City, un quartier cossu et regorgeant de parcs au bord du fleuve.) Denes et des volontaires creusent 285 sillons et plantent les graines à la main. Finalement, le champ produit plus de 450 kg de blé, tout en offrant un rappel visuel spectaculaire de notre lien nécessaire avec la nature. «Je voulais passer un message puissant digne d’une ville puissante», déclare Denes.
Après «Wheatfield», Denes se lance dans des projets encore plus imposants. En 1996, elle réalise «Tree Mountain — A Living Time Capsule» en plantant, selon un motif géométrique, 11 000 arbres sur une colline artificielle de Finlande. Elle récidive deux ans plus tard pour «A Forest for Australia»: cette fois, ce sont 6000 arbres d’une espèce en voie de disparition qu’elle met en terre, suivant le tracé de cinq spirales.
Si plusieurs de ses rêves se révèlent trop ambitieux pour être concrétisés, Denes continue d’imaginer des œuvres environnementales d’envergure; son projet «A Forest for New York», par exemple, mènerait à la plantation de 100 000 arbres dans Queens. À ses yeux, son art vise à «permettre aux gens de rester en contact avec la nature, en la laissant s’exprimer dans son langage spécial — qui, lui, trouve son chemin à travers l’intelligence humaine».
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