La Cloud Appreciation Society

Nous espérons des ciels bleus. Ils préfèrent les jours nuageux.

Texte — Juliette Leblanc
Photos — Cloud Appreciation Society

 

Chaque jour, les membres de la Cloud Appreciation Society publient des images de nuages captées aux quatre coins de la planète. Leur mission: répertorier les humeurs du ciel. Les cloudspotters communiquent par l’intermédiaire d’un forum de discussion, où ils planifient les rassemblements à venir — les «Sky Gatherings». Expéditions de groupe, conférences scientifiques et artistiques sont ainsi organisées à l’intention des 40 000 membres de l’association. Quotidiennement, des photos sont téléversées dans une application, où les «chasseurs» et les «chasseuses» peuvent gagner des points et des badges pour chaque identification correcte: cumulonimbus, stratocumulus, altocumulus, cirro stratus, nimbostratus… En 2019, la Société a reçu près de 50 000 soumissions d’images.

Photo: Loren Waller—Altocumulus lenticularis—Estepona, Spain, 2020
Photo: Brenda Laurel—Mamma cloud (mammatocumulus)
Duncan McLachlan—Mamma cloud (mammatocumulus)—Caithness, Scotland, 2020

Chaque famille de nuages comprend des variantes infinies, et les cloudspotters guettent les combinaisons inédites dans le but de partager leurs observations avec leur communauté. Qui a dit que de scruter le ciel à la recherche de formes familières était un jeu réservé aux enfants?

«Il s’agit d’une expression poétique de la nature, sa démonstration la plus égalitaire puisque tout le monde peut en être témoin.»

– Extrait du Manifeste de la Cloud Appreciation Society
PHOTO: KATHERINE FISCHER

 

 

Fondée en 2005 par le Britannique Gavin Pretor-Pinney, la Cloud Appreciation Society ne fait pas que rassembler les amoureux du ciel. Elle promeut aussi la compréhension de l’atmosphère à travers son expression la plus familière: les nuages. Ce genre de regroupement n’est pas unique; dans l’histoire, la science s’est souvent appuyée sur des groupes d’observateurs passionnés. La météorologie compte d’ailleurs sur un réseau mondial de curieux pour identifier les types de nuages et les classer selon un système scientifique bien établi. La reconnaissance d’un nouveau phénomène s’avère toutefois plus complexe, comme Pretor-Pinney peut en témoigner: en 2008, après avoir recensé de nombreuses images d’un même nuage non identifié, il a présenté sa découverte — et proposé un nom — à la Royal Meteorological Society britannique. Or, le asperatus n’a pas été retenu, malgré des données probantes et un appui de la communauté scientifique.

En 2020, Pretor-Pinney a décidé que le groupe servirait dorénavant une cause environnementale: la protection des forêts. Comme 90% de l’eau qui s’évapore dans l’atmosphère provient des arbres, la Cloud Appreciation Society investira une partie de ses revenus d’adhésion dans la préservation de l’Amazonie, qui abrite le plus grand «fleuve céleste» au monde; elle appuiera plus particulièrement la surveillance et la dénonciation de la déforestation illégale.

PHOTO: FRIEDER WOLFART

 

*** 

Nous entrons dans une ère où le miraculeux perd de sa signification, confiait en substance Pretor-Pinney au New York Times, en 2016. Des évènements étonnants, prétendument incroyables, submergent internet à grande vitesse — si bien que, comme il le dit lui-même, c’est trop facile de penser: «Je viens de voir un panda faire un truc extraordinaire en ligne, qu’est-ce qui peut me surprendre maintenant?» Sa fascination pour les nuages lui a enseigné ceci: notre environnement immédiat regorge de possibilités d’émerveillement.

«Nous cherchons à rappeler au public que les nuages sont la plus simple expression de l’humeur atmosphérique, et qu’ils devraient être perçus comme l’humeur humaine.»

– Extrait du Manifeste de la Cloud Appreciation Society
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Pour les membres de la Cloud Appreciation Society, les nuages encouragent tout le monde à décoller son nez du sol (et des écrans). Imaginez la scène: debout au milieu des gratte-ciels à Manhattan, vous levez les yeux et vous captez une formation de stratocumulus époustouflante. Vous réalisez soudain qu’il y a beaucoup plus grand que ces immeubles — et qu’il y a beaucoup plus grand que vous.

 

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