Découvrir l’univers fantastique des champignons

Envie d’aller aux champignons? Il vous faudra d’abord les trouver. Voici comment faire.

Texte—Jade Prévost-Manuel
Photos—Gabriel DeRossi

Il y a quelque chose de magique dans la recherche — et la découverte — de champignons sauvages.

« C’est un travail de détective, en quelque sorte », explique Janie Poitras, chasseuse de champignons chevronnée qui fouille les forêts du Québec. « Et quand on trouve un spécimen rare ou inconnu, c’est comme gagner le gros lot! »

Autrefois considérée comme une activité marginale, la chasse aux champignons fait maintenant l’objet d’une fascination grandissante. Et il n’est pas nécessaire de les manger pour s’y intéresser. Certaines personnes y voient une occasion d’observer, de découvrir ou tout simplement d’admirer une forme de vie, comme les ornithologues amateur·rice·s le font avec les oiseaux.

En théorie, la chasse (ou la cueillette) aux champignons se pratique toute l’année, mais la plupart des amateur·rice·s s’entendent pour dire que l’automne constitue la véritable saison au Canada et dans le nord-est des États-Unis. Les températures à la baisse, les pluies abondantes et la forte humidité produisent les sporophores charismatiques et charnus agréables à trouver, comme les vesses-de-loup et les polypores soufrés

Mieux vaut donc organiser votre excursion lorsque les conditions climatiques sont favorables. Cependant, il ne s’agit pas d’une science exacte. Et si certains endroits sont effectivement plus propices, ce n’est parfois qu’une question de hasard.

« Il y a un gros facteur de chance dans la chasse aux champignons », explique Paul Sadowski, qui a passé 30 ans de sa vie à ratisser le réseau des parcs urbains de New York. « Parfois, on part à la chasse aux bolets, mais on finit par trouver des chanterelles. »

Ainsi, il ne serait pas toujours nécessaire de sortir de la ville pour dénicher des champignons. Selon Chris Liberty, de la Mycological Society of Toronto, le High Park et le parc urbain national de la Rouge, à Toronto, sont parmi les meilleurs endroits où trouver des espèces en ville, comme l’amanite tue-mouches et le ganoderme des artistes.

Les chasseur·euse·s les plus expérimenté·e·s passent des années, voire des décennies, à apprendre l’art d’identifier chaque espèce et de mettre la main sur les plus difficiles à repérer. « L’un de mes préférés est le rhodote palmé, mais je ne l’ai jamais trouvé », indique Chris. Il n’est pas nécessaire toutefois d’être un·e expert·e pour découvrir les champignons.

La cueillette est une activité dont la récompense s’accroit dans le temps. Plus vous en saurez sur les champignons, plus vous parviendrez à en débusquer. Tout ce qu’il vous faut, c’est un peu de patience et de la curiosité.

Voici quelques règles de conduite et conseils pour votre quête de champignons sauvages.

Code d’éthique des cueilleur·euse·s de champignons 

Tous les clubs ont leurs règles d’or.

 

Laissez la forêt en meilleur état qu’à votre arrivée

Regardez où vous mettez les pieds pour ne pas endommager la végétation, les champignons et la faune. Si votre chien vous accompagne, ramassez ses besoins. L’azote qu’ils contiennent peut déséquilibrer et polluer le sol. Apportez aussi une paire de gants de protection, un ramasse-ordures et un sac à déchets pour ramasser les détritus rencontrés.

Prenez le strict minimum, là où c’est permis

Certaines des caractéristiques distinctives d’un champignon se trouvent sous terre. Voilà pourquoi plusieurs les cueillent simplement pour les identifier. Mais chaque petit geste a des conséquences.

« Nous voyons souvent des chasseur·euse·s dépouiller la forêt, se désole Chris.  Une telle pratique peut nuire à l’écosystème tout entier. »

Prélevez le moins de spécimens possible (dans un secteur où il est permis de les cueillir) et seulement à partir de matière morte. Évitez à tout prix de retirer l’écorce des arbres ou d’endommager du bois vivant.

Ne consommez pas les champignons non identifiés

Il existe de nombreux champignons vénéneux. Pour les débutant·e·s, il peut être difficile de les distinguer de ceux qui sont inoffensifs. Un milieu urbain, la pollution, le ruissèlement de nature industrielle et les engrais chimiques rendent encore plus risquée leur consommation. Ne mangez pas ceux des parcs urbains et n’en goutez jamais sans vous référer à un·e expert·e.

Conseil d’expert·e: Vous avez envie de partir à la recherche de champignons sauvages en milieu rural? Inscrivez-vous à un cours d’initiation offert par un·e expert·e comme Janie avec Connais ton bolet.

Par où commencer?

Choisissez un parc ou une forêt

Pour observer des champignons en ville, optez pour un parc où l’on trouve une forêt à l’état sauvage vieille de plusieurs générations et qui contient à la fois des conifères et des feuillus. Le parc de la Rouge à Toronto, le parc Angrignon à Montréal et le parc Van Cortlandt dans le Bronx, à New York, font partie des meilleurs milieux urbains où aller aux champignons. Quelle que soit la forêt, trouvez un secteur au sol humide avec une bonne quantité de litière feuillue et de matière en décomposition.

Suivez les règles

Partir à la recherche de champignons ne signifie pas que vous pourrez en cueillir. Les villes de Toronto et de Montréal ont adopté des règlements qui l’interdisent dans les parcs municipaux. Parcs Canada s’est aussi doté d’une politique similaire dans les parcs provinciaux et nationaux. L’activité est cependant acceptée sur les terres publiques. Quant aux terrains privés, il ne faut pas oublier de demander l’autorisation d’abord.

Emportez un sac à champignons et un couteau

Les champignons adorent l’humidité qu’apporte une bonne pluie. Préparez-vous à fouler des sols boueux et superposez les couches de vêtements. Pour être à l’aise et éviter tout contact avec des tiques indésirables, n’oubliez pas le chasse-moustique et portez un chandail à manches longues, un pantalon, des chaussettes hautes et des bottes de randonnée. Vous êtes à l’extérieur de la ville, enclin·e et autorisé·e à cueillir des champignons? Prévoyez un couteau, un panier sans couvercle, des fiches d’identification papier et un stylo.

Apportez une loupe et un appareil photo ou un téléphone intelligent pouvant être utilisé, idéalement, en mode macro. Les forêts sont des endroits où il y a peu de lumière. Une source d’éclairage supplémentaire pourrait vous être utile. Cela dit, vous n’avez pas besoin d’un équipement d’éclairage professionnel pour obtenir de belles photos. Si vous avez un anneau lumineux — qui produit un éclairage chaud et naturel — il fera parfaitement l’affaire. Si vous souhaitez noter vos découvertes, emportez un carnet.

Conseil d’expert·e: Pendant votre promenade, déposez vos récoltes dans un panier muni de séparateurs. Pour le chemin du retour, transférez-les dans un sac en papier — jamais en plastique, cette matière les fait suer et on se retrouve avec un amas de champignons tout mouillés et puants à nettoyer.

Regardez à vos pieds, mais aussi vers le haut

Contrairement aux plantes, les champignons ne fabriquent pas leur propre nourriture. Ils décomposent la matière végétale morte, se nourrissent d’organismes vivants comme des parasites ou forment avec les arbres une association mutuellement avantageuse (les mycorhizateurs). Pour repérer des champignons, vous devez d’abord trouver ce dont ils se nourrissent. Baissez le regard vers les tas de feuilles mortes et les vieux troncs d’arbre, mais n’oubliez pas de le relever. Le polypore oblique, par exemple, pousse sur les arbres, souvent au-dessus du niveau des yeux.

Conseil d’expert·e: Examinez tout particulièrement les morceaux de bois pourri, les « têtes de corail de la forêt », dit Chris Liberty. Regardez leurs extrémités et en dessous.

Notez vos découvertes

Prenez des notes et des photos de la zone où vous avez trouvé le champignon ainsi que de la végétation et des arbres avoisinants. Puis concentrez-vous sur le champignon. Observez sa couleur, sa forme, sa taille et les motifs qui ornent les parties hors terre, caractéristiques du champignon, c’est-à-dire le chapeau et le pied. L’intérieur du chapeau est-il doté de lamelles, de pores ou de dents? Un anneau recouvre-t-il une partie du son pied? Ce dernier est-il large, fin ou même visible? Le champignon, s’il est extrait de la terre, est-il doté d’une racine profonde ou d’une base en forme d’œuf?

Bien qu’il soit difficile d’identifier précisément un champignon sans le cueillir, ces observations vous aideront à cerner le groupe auquel votre spécimen appartient. Chris Liberty et Paul Sadowski recommandent de noter vos observations dans un carnet de terrain.

Conseil d’expert·e: Besoin d’aide pour obtenir de l’information de base sur un spécimen? Laissez tomber les applications qui réussissent rarement à identifier les champignons. Faites plutôt part de vos observations à la société de mycologie de votre région ou publiez-les sur Mushroom Observer, un site web où des expert·e·s aident les novices à identifier les champignons qu’ils et elles ne connaissent pas.

« Prenez des photos en gros plan, recommande Paul. Regardez les lamelles, le pied et essayez d’ajouter le plus d’informations possible, sous forme d’images, à votre publication. »

Trois champignons à découvrir cet automne

Ils sont comestibles mais, comme toujours, évitez d’y gouter tant qu’un·e expert·e ne les a pas identifiés.

Lactaire saumoné (Lactarius thyinos)

Ces champignons orangés poussent à proximité des conifères, surtout des cèdres. Certains types de lactaires deviennent verts au toucher, mais les lactaires saumonés, eux, conservent leur belle couleur.

Hydne corail (Hericium coralloides)

L’hydne corail, qui ressemble à un arbre miniature tout givré, n’a pas de pied évident. Il se développe plutôt à partir d’une base rattachée à du bois et produit de nombreux rameaux blancs se terminant par des aiguillons charnus. Il s’agit d’un saprotrophe, ce qui signifie qu’il se nourrit de matières organiques mortes. N’hésitez pas à examiner les feuillus morts et les souches pour essayer de le trouver.

Hygrophore chanterelle (Hygrocybe cantharellus)

Jaune et orange, ce champignon est commun dans l’est de l’Amérique du Nord. On le reconnait à sa longue tige rouge orangé, à ses lamelles effilées et à son chapeau légèrement convexe et squameux. Vous le trouverez sous les feuillus, mais il pousse également sur le bois en décomposition.

Paires mycologiques classiques

Vous savez distinguer les épinettes des bouleaux? Identifiez d’abord les arbres, puis les champignons. Les champignons mycorhizateurs préfèrent certaines espèces ou certains types d’arbres:

●      Les bolets veinés et les frênes

●      Les bolets granulés et les conifères, notamment les pins et les épinettes

●      Les bolets jaunes et les pins

●      Les cèpes d’Amérique et les épinettes

●      Les amanites tue-mouches et les bouleaux, les pins et les épinettes

Vous voulez maitriser l’art d’identifier les champignons?

Nombreuses sont les villes où une société de mycologie offre des cours d’initiation à l’identification et à la recherche de champignons locaux. Participer à une chasse aux champignons avec le club de votre région vous aidera à acquérir des compétences et à les perfectionner.

« Vous trouverez toujours quelqu’un qui en sait plus que vous […] et qui pourra vous rassurer et vous guider, affirme Janie. Cette personne vous sera d’une grande aide parce qu’il faut souvent voir un champignon cinq fois, dix fois avant d’être capable de le reconnaitre. »

Quelques recommandations de lecture de BESIDE:

Champignons comestibles de la forêt boréale de Roger Larivière

Connaître, cueillir et cuisiner les champignons sauvages du Québec de Matthieu Sicard et Yves Lamoureux

Le grand livre des champignons du Québec et de l’Est du Canada de Raymond McNeil

Jade Prévost-Manuel est une journaliste canadienne dont les articles sont parus, entre autres, dans SUSTAIN Magazine, Outpost Magazine et sur CBC News. Quand elle n’est pas occupée à raconter des histoires sur la terre ferme, elle en profite pour explorer la vie sous la surface de l’océan.

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