En nature, garder son lunch pour soi

Le journaliste Guillaume Rivest nous explique pourquoi notre poulet frit n’est pas une option alimentaire viable pour les animaux sauvages.

Texte—Guillaume Rivest
Illustrations—Mélanie Masclé

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«Ne pas nourrir les animaux»: cet avertissement est présent dans la totalité des parcs nationaux gérés par la Société des établissements de plein air du Québec (Sépaq), ainsi qu’à bien d’autres endroits dans la province. Une règle qui peut sembler banale pour plusieurs; en effet, comment un petit morceau de poulet frit peut-il nuire à ce magnifique renard devant nous? Malgré nos bonnes intentions — et malheureusement pour eux —, le partage de notre lunch n’est pas bénéfique pour nos amis sauvages.

La nature étant une machine bien huilée, ces derniers sont adaptés à leur environnement. Ils savent où chercher pour trouver leurs aliments. Ils sont en excellente forme physique, ce qui leur permet d’attraper des proies ou d’échapper à leurs prédateurs.

Les animaux ressentent aussi une méfiance naturelle (et saine!) envers l’être humain. Lorsque nous les nourrissons, nous nous attaquons du même coup à leurs réflexes évolutionnaires et à leur capacité de survivre.

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Autour de 2010, dans le parc national du Bic, une femelle renard s’est installée avec ses petits à proximité d’une plage très fréquentée. Les gens les observaient avec une fascination compréhensible. Peu à peu, la mère s’est habituée à leur présence et a commencé à quémander de quoi manger. Après quelques mois, ce sont tous les membres de la petite famille qui adoptaient ce même comportement. L’être humain n’était plus un élément hostile pour eux, mais bien une source de nourriture. Le parc doit désormais faire face à cette situation qui menace la survie des canidés, parce qu’ils sont devenus dépendants des aliments qu’on leur donne. Ultimement, si on cesse de les nourrir, ces renards pourraient avoir de la difficulté à subvenir à nouveau à leurs besoins.

Au parc national du Mont-Tremblant, c’est la familiarisation du loup avec l’être humain qui est devenue problématique en 2006. Au point où le responsable du service de la conservation et de l’éducation, Hugues Tennier, a dû monter tout un protocole d’intervention. «Des gens laissaient trainer de la nourriture dans l’espoir d’attirer un loup et de l’observer», raconte-t-il. Des canidés se sont mis à fréquenter les espaces utilisés par le public, où ils subtilisaient aliments et objets. Un enfant s’est même fait voler un ballon de plage en plein jour. Comme la sécurité des personnes était en jeu, les responsables ont malheureusement dû abattre les loups les plus intrépides.

Avec le temps et une stratégie adéquate, le parc national du Mont-Tremblant a fini par régler son problème de loups familiers. Parmi les mesures mises en place: la sensibilisation du public aux conséquences néfastes de la nourriture pour humain·e·s dans les milieux naturels.

Voici donc quelques conseils à mijoter lorsque vous vous rendrez dans un parc ou dans le bois. L’objectif? Éviter que les animaux sauvages ne développent une familiarité avec l’être humain — parce que très souvent, nous représentons le danger le plus important pour eux.

Ne nourrissez pas les animaux

C’est la base: en aucune circonstance on ne doit offrir de nourriture à un animal sauvage, même s’il s’agit d’un aliment présent dans son environnement naturel. On évite ainsi qu’il associe l’être humain à une source de nourriture et qu’il vienne vers lui lorsqu’il a faim.

Dissimulez votre souper

Les sites de campements deviennent trop souvent synonymes de sacs à lunch pour l’animal intrépide. Assurez-vous que votre nourriture reste inaccessible (autant pour sauver votre souper que pour préserver les animaux).

Ne jetez pas vos croustilles dans le feu

Vous avez des restants de repas? Il peut être tentant de les lancer dans le feu de camp. Malheureusement, s’ils ne brulent que partiellement, il y a de bonnes chances pour qu’un animal vienne s’en délecter après votre départ.

Regardez autour de vous

Au même titre que le souper semi-brulé, la carotte tombée par terre risque de faire de l’œil au rongeur le plus près. Après une collation ou un repas, et au moment du départ, il vaut donc mieux vérifier attentivement les alentours. Si on laisse de la nourriture sur place à répétition, les animaux qui habitent à proximité associeront le campement à un festin permanent.

Rapportez vos déchets (ou disposez-en efficacement)

Bien évidemment, vos déchets (et vos emballages) dégagent une certaine odeur. Pour éviter que vos poubelles ne deviennent le garde-manger de fortune d’un animal, assurez-vous que la faune n’y a pas accès, en les rapportant ou en les jetant adéquatement. (Si vous pensiez cacher vos déchets en nature, rappelez-vous que l’ours noir peut percevoir un fumet à une distance de plus d’un kilomètre.)

Guillaume Rivest est un chroniqueur et un journaliste indépendant originaire d’Abitibi-Témiscamingue. Titulaire d’un baccalauréat en politique appliquée et d’une maitrise en environnement, il se passionne pour le plein air et la nature. Il collabore notamment à l’émission Moteur de recherche, sur Ici Radio-Canada Première.

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