Atelier
L’investissement responsable, ou faire parler son argent
Et si notre argent pouvait en faire plus que nous le pensions? Et si nos placements pouvaient se répercuter ailleurs que dans notre compte épargne? Idées et outils pour apprivoiser l’investissement responsable, avec notre collaboratrice Marie Charles Pelletier.
Texte—Marie Charles Pelletier
Illustrations—Florence Rivest
En partenariat avec
Il y a quelques années, si j’avais gagné le gros lot, la première chose que j’aurais faite aurait été de partir aux Îles Cook et de dilapider mes sous en margaritas et en mahi mahi, «convaincue» de stimuler l’industrie de la pêche locale. Aujourd’hui? J’appellerais un·e conseiller·ère, grâce à qui ma nouvelle fortune aurait plus de chance de prospérer et de servir. Bref, vous l’aurez compris: jusqu’à récemment, je connaissais peu de choses à l’investissement, et je ne savais pas non plus qu’il pouvait être responsable. Et pourtant. L’investissement responsable (IR) consiste à considérer les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) — en plus des critères financiers habituels — dans la sélection et la gestion de ses placements. C’est aussi une façon d’encourager les entreprises qui se démarquent par leurs bonnes pratiques en la matière.
Depuis des décennies, l’IR fait son chemin, gagnant en popularité à mesure que nos sociétés sont confrontées à de nouveaux défis. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les dernières années lui ont réussi. Le Rapport de tendances de l’investissement responsable canadien 2020 révèle en effet que 61,8 % de l’argent géré par des professionnel·le·s est placé dans des fonds responsables, contre 50,6 % deux ans plus tôt.
Bien que cette croissance ne soit pas uniquement attribuable à la pandémie, celle-ci nous aura certainement mené·e·s à réfléchir à l’avenir, à notre planète malmenée et à notre engagement dans la communauté. Plus que jamais, nous avons besoin de sentir que nos placements contribuent à résoudre des enjeux importants et qu’ils ont une portée collective.
En ce qui me concerne, je me suis rappelé l’existence des REER à l’aube de la trentaine, alors je ne promets pas ici de vous donner une leçon de finance, mais peut-être de vous faire réaliser — si comme moi vous boudez la plupart du temps le cahier Économie — que vos versements mensuels peuvent être un levier de changement.
La petite histoire de l’IR
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La première forme d’investissement responsable remonte à la fin du 19e siècle, alors que les quakers anglais, qui forment un groupe religieux, refusent d’investir dans l’alcool et les armes. Beaucoup plus tard, dans les années 60-70, le contexte de vives tensions géopolitiques fait de l’investissement responsable un choix de plus en plus sensé — on réalise que les actionnaires des entreprises ont un poids politique et social. Alors que les gens s’indignent devant la guerre du Viêt Nam, le premier fonds Pax World voit le jour en 1971, excluant des fournisseurs d’armes, de napalm et d’agent orange à l’armée américaine.
Dans la foulée du Rapport Brundtland, qui définit le concept de développement durable tel qu’on le connait aujourd’hui — soit un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs —, le Fonds Desjardins Environnement est lancé. Issu de la volonté d’offrir aux membres de la coopérative un choix de placements responsables, alignés avec les impératifs du présent et du futur, il est l’un des premiers du genre au Canada. C’est le 10 septembre 1990: à l’époque, la prise en compte de critères extrafinanciers est encore marginale et bouleverse les façons de faire.
L’IR connait d’ailleurs un engouement semblable aux États-Unis: 51,1 milliards de dollars ont été investis dans des fonds responsables en 2020, par rapport à 21 milliards en 2019. Un cinquième record annuel consécutif, selon l’agence Morningstar.
Bref, nous sommes en train d’assister au baby-boom des placements responsables.

Bon, comment ça marche?
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On dit de l’approche en investissement responsable qu’elle permet d’épargner tout en contribuant au développement durable et au mieux-être de nos sociétés — et ce, en fonction de nos priorités et de notre portefeuille. D’accord, mais comment?
La mise en œuvre des stratégies en investissement responsable se passe en deux temps:
- Au moment de sélectionner des titres: en excluant ou en choisissant des entreprises en fonction des critères ESG (y répondent-elles ou aspirent-elles à le faire?) Certains portefeuilles appliquent effectivement des filtres d’exclusion, écartant d’emblée des secteurs comme ceux des énergies fossiles et du tabac, parce qu’ils ne respectent pas les exigences minimales de gestion des enjeux ESG.
- Quand vient le temps de suivre la gestion des investissements: l’engagement actionnarial permet d’interagir avec les entreprises en question, dans l’objectif de les inciter à améliorer leurs pratiques.
Rassurez-vous, pas besoin d’obtenir votre MBA: les gestionnaires de portefeuille sont mandaté·e·s pour être vos yeux, votre voix, votre lien de confiance, vos meneur·euse·s d’enquêtes. Ce sont eux et elles qui posent les questions, qui déterminent si une entreprise adhère aux principes ESG avant d’acheter ses actions en Bourse (et qui s’assurent qu’ils sont maintenus), et qui vérifient sa performance financière.
Parlons donc plus en détail de l’acronyme en question.
Environnement
Le E est relatif à la gestion des risques environnementaux. Je n’ai pas besoin de vous rappeler que notre économie repose sur un modèle de production et de consommation linéaire, qui exerce une pression énorme sur nos ressources. Sont ainsi valorisées les initiatives des entreprises qui tendent vers un modèle économique circulaire: faible extraction des ressources, optimisation de leur utilisation ainsi que reconditionnement et recyclage des produits consommés. Les entreprises qui considèrent les changements climatiques, la biodiversité, la gestion de l’eau, entre autres, sont également priorisées.
Social
Le S s’attaque aux inégalités sociales et économiques, qui plombent l’avenir des jeunes générations, déjà largement hypothéqué par nos actions. Ce critère inclut les entreprises qui tiennent compte des intérêts des communautés autochtones, ou encore celles qui militent pour les droits de la personne et des travailleur·euse·s, la santé et la sécurité au travail, l’accès à l’éducation… et j’en passe.
Gouvernance
Le G concerne tout ce qui a trait à la gouvernance des entreprises et à leurs pratiques, qui doivent contribuer à améliorer la société dans laquelle on vit. On peut penser aux mesures qui font la promotion de la diversité dans les conseils d’administration ou encore qui touchent la rémunération des membres de la direction.
Retombées concrètes (pour ceux et celles qui veulent des chiffres)
En 2020 — en s’appuyant sur un investissement de 10 millions de dollars (1) —, les sociétés dans lesquelles le Fonds Desjardins SociéTerre Actions positives a investi ont contribué à éviter l’émission de 555 tonnes métriques de CO2e, soit l’équivalent de 134 voitures pendant un an (2), et à économiser 6,3 millions de litres d’eau, soit l’équivalent de la consommation en eau de 52 Canadien·ne·s pendant un an (3).
Des idées tenaces (mais fausses)
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Déconstruction de trois mythes auxquels j’adhérais encore jusqu’à hier.

– Mythe no 1 –
L’investissement responsable est une simple mode
Eh non. Pas plus que le port du pantalon pour les femmes ne risque de disparaitre, je doute fort que nous revenions en arrière en matière d’investissement responsable. Comme l’IR est une réponse aux enjeux de fond de notre époque, il n’a rien d’une tendance éphémère. Le segment de marché mobilisé ne cesse d’ailleurs d’augmenter. Selon le Portrait 2020 de la finance responsable au Québec — celui de 2021 est à paraitre sous peu —, la finance responsable représentait environ 68% de l’épargne collective totale des Québécois·es au 31 décembre 2019. L’IR est manifestement une tendance lourde qui ne se fanera pas et à laquelle il vaut mieux adhérer, si nous voulons bâtir un monde plus vert et plus égalitaire.

– Mythe no 2 –
L’IR ne change pas le monde.
Et pourtant, oui. On commence à réaliser qu’investir, c’est aussi pouvoir faire entendre sa voix. Certes, l’IR suscite parfois du scepticisme, puisque les fonds ne sont pas tenus d’investir dans des entreprises qui remplissent les trois critères ESG. Mais on peut aussi voir l’investissement comme un moyen de pression, voire un levier de changement. L’objectif des fonds responsables est justement de s’assurer que les entreprises améliorent leurs pratiques. Pour y arriver, les gestionnaires de portefeuille disposent de trois moyens: le droit de vote, le dialogue avec l’organisation et, si celui-ci est impossible, les propositions d’améliorations, qui seront soumises au vote à l’assemblée générale annuelle. Si l’entreprise continue de figurer dans un fonds responsable, c’est qu’elle démontre une volonté de faire mieux.

– Mythe no 3 –
L’IR est moins rentable que l’investissement traditionnel.
Au contraire, l’IR permet d’aller chercher un meilleur potentiel de rendement au long terme parce que les entreprises risquent moins d’être prises de court par des enjeux sociaux ou environnementaux. Plusieurs recherches ont d’ailleurs démontré que les organisations qui se préoccupent des enjeux ESG sont mieux outillées pour gérer les aléas du marché, ce qui améliore nécessairement leur performance financière. Dans un nouveau rapport, l’agence Moody’s Investors Service souligne que les produits ESG connaissent une croissance continue — ils représentent l’une des catégories d’investissement les plus performantes des dernières années. Bien que le passé ne soit pas garant de l’avenir, cette hausse pourrait achever de convaincre les plus réticent·e·s, qui craignent de devoir sacrifier des rendements potentiels au profit de leurs convictions.
L’investissement responsable, le nom le dit.
L’IR, c’est une forme d’engagement citoyen. C’est une façon d’avoir un effet positif sur nos communautés, nos rivières et nos forêts, en attendant de pouvoir l’acheter, notre maison. Et bien sûr, le montant compte, mais le nombre de voix qui s’élèvent aussi. Plus nous serons nombreux·euses, plus nous pourrons faire en sorte que le vent tourne.
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(1) Source: Baillie Gifford Overseas Limited.
(2) Source: Guide de consommation de carburant 2021.
(3) Source: Université McGill.
Depuis plus de 120 ans, Desjardins accompagne ses membres et ses client·e·s en mettant l’argent au service du développement humain. La coopérative renforce constamment la prise en compte des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance dans ses décisions d’affaires. Elle s’est engagée à former la vaste majorité de ses 52 000 employé·e·s en matière de développement durable d’ici 2023, et à avoir investi au moins 2 milliards de dollars dans des infrastructures permettant la production d’énergie renouvelable d’ici 2025. Avec plus de 30 années d’expérience en investissement responsable, Desjardins continue d’être un chef de file dans le domaine.
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