Changer la lumière

Depuis son studio montréalais, Lambert & Fils donne vie à la matière, à l’espace et à la réflexion.

Texte—Marie Charles Pelletier
Photos—Arseni Khamzin et Eliane Cadieux

En partenariat avec

Les lampes font davantage que vaillamment éclairer nos espaces : elles les façonnent. Par leur façon tantôt directe, tantôt subtile de diffuser la lumière, elles arrivent à modifier l’ambiance des lieux où elles se trouvent.

Par les hautes fenêtres d’une manufacture de la rue Hutchison, on peut voir le train passer sur la voie ferrée qui sépare le quartier Outremont du Mile Ex. Le jour entre naturellement dans ce vaste espace montréalais, qui compte également un studio de design. C’est là que les croquis sont dessinés, que les réflexions sont poussées et que les luminaires sont fabriqués. Chez Lambert & Fils, le dia­logue est constant entre les gens qui imaginent et ceux qui matérialisent.

Pendant des années, on a reconnu les créations du studio à leurs simples globes et à leurs tuyaux de laiton. Aujourd’hui, les collections se sont multipliées et varient de formes, de teintes, de textures. La signature de Lambert & Fils a su trouver sa place dans des maisons de Londres, de Montréal et de Lisbonne; dans des installations éphémères à New York et à Milan; dans des hôtels et des restaurants partout à travers le monde.

L’appel des mains
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À l’aube de la quarantaine, Samuel Lambert a été saisi d’une crise existentielle dans son cubicule de l’ONF, où il se spécialisait en postproduction. Pour retrouver sa trame, le jeune entrepreneur était certain d’une chose : il devait travailler de ses mains. Le travail manuel évoquait une certaine nostalgie pour celui dont le père était céramiste à North Hatley dans les années 70-80.

Il a donc déniché un local à louer de 400 pi2 sur la rue Beaubien, et commencé à y restaurer — et à y vendre — des chaises mid-century. Pour éclairer l’espace où elles étaient exposées, il fabriquait intuitivement des lampes qui, rapidement, se sont mises à intéresser les gens. Après plusieurs nuits sans sommeil, il s’est décidé à créer une collection qu’il pourrait répéter.

 

Dix ans plus tard, son apprentissage organique s’est transformé en passion; ses 400 pi2 d’origine en font maintenant 25 000; et il chapeaute une entreprise de 50 employé·e·s qui, chaque semaine, expédie des palettes de luminaires outremer.

Samuel se définit comme un entrepreneur qui se tanne rapidement et se réinvente sans cesse. Avec les années, ce trait de personnalité est devenu son guide : de fil en aiguille, il a monté une compagnie qui se renouvèle d’elle-même à travers les projets. En multipliant les collections, les matières, les influences, mais surtout en s’entourant d’une équipe pluridisciplinaire qui souffle constamment sur la braise, son fondateur arrive à entretenir le feu.

La naissance de l’objet
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Les collections émergent toujours de la matière — de sa couleur, de l’impression qu’elle suscite, de sa forme. L’équipe utilise l’aluminium, le cuivre ou encore l’acier pour explorer toutes les possibilités de la lumière. C’est ainsi qu’un morceau de verre peut inspirer la création d’un immense luminaire qui surplombera un lobby d’hôtel. « Je veux que l’objet vive. J’aime l’idée de prendre une toute petite pièce de matière et de l’amener ailleurs », explique Samuel Lambert.

À travers les technologies et les prototypes développés — pour donner vie aux idées des employé·e·s ou pour répondre aux besoins de la clientèle —, le studio acquiert des connaissances qui lui coutent parfois cher, mais qui ne se perdent jamais. Il se passe généralement deux ans entre l’étincelle initiale et la mise en marché. « À la fin, on essaie de retracer le parcours de l’idée, mais on y arrive rarement », admet Samuel.

Celui qui n’est jamais complètement satisfait reconnait miser davantage sur le processus que sur le résultat. Et c’est justement ce qui crée tout le dynamisme de l’entreprise : « Il faut parfois prendre un chemin très compliqué pour en arriver à quelque chose de très simple », dit-il, faisant allusion au classique less is more.

Comme cette fois où Samuel insistait pour que la lampe Hutchison soit lourde : en réalité, ce n’était pas si important, puisque seul l’électricien aurait à la soulever. Son poids rendait la production plus chère, plus complexe, mais il faisait aussi en sorte que le fil au bout duquel elle pendait tombe parfaitement droit. C’est ce genre d’histoire qui fait ressortir la nature toute particulière de Lambert & Fils, en équilibre entre l’esthétisme et le souci du détail, la fonctionnalité et l’intemporalité.

Pour Pascau Vandame-Martin, chef des projets spéciaux, ce processus de réflexion se ressent dans chaque geste des employé·e·s. « Lambert & Fils, c’est précisément ce temps passé à s’assurer que tout sera bien fait. On passe des heures à réfléchir à la meilleure façon de ne prendre aucun raccourci », explique-t-il.

À ces réflexions quotidiennes s’ajoute ce combat éternel : celui d’évacuer la chaleur, sans quoi elle cuit la source lumineuse — empêchant la lampe de remplir sa principale fonction. Pour viser la pérennité, il faut donc reproduire le principe du radiateur. Sans sacrifier l’esthétisme ni la singularité de l’objet.

L’espace changeant
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Chez Lambert & Fils, l’espace est lui aussi constamment en mouvance. Les bureaux se font face, des luminaires de toutes sortes sont suspendus ou posés entre les plantes — le rite de passage, pour l’employé·e nouvellement embauché·e, est de fabriquer sa propre lampe de table. On réfléchit en continu à améliorer l’environnement, mais il est difficile de déléguer : ceux et celles qui y travaillent sont souvent obsédé·e·s par la manière dont les choses sont faites. Et ont tendance à s’en charger.

Samuel explique en souriant que pour éviter de former une microsociété autosuffisante, l’équipe a aménagé une galerie d’art dans le studio.

Ce lien avec l’extérieur est source de nouvelles inspirations, mais aussi de nouvelles relations. L’espace accueille également — sauf en temps de pandémie — des ateliers où les employé·e·s peuvent découvrir matériaux et méthodes de pro­duction, et stimuler ainsi leur créativité.

Le bureau de Pascau est à quelques pieds de celui de son chef-assembleur, avec qui il passe la journée à parler. Pour lui, rien de plus précieux que d’avoir accès à l’expertise de la personne qui fabrique. « Il n’existe pas de hiérarchie entre celui qui décide et celui qui assemble. On optimise le design ensemble, organiquement. »

L’histoire qui reste
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Dix ans après ses débuts, l’entreprise a grossi, les lampes ont voyagé, et le nom s’est taillé une place dans le monde.

« Mais il a toujours été important pour nous de raconter notre histoire, de souligner qu’au départ, trois personnes s’entassaient dans une petite boutique de la rue Beaubien afin que les lampes puissent être shippées à New York », relate le fondateur.

Il y a un cout à la production, aux matériaux de qualité, au transport et à la publicité. Mais surtout, il y a un cout à embaucher une main-d’œuvre locale, il y a un cout à la réflexion, au souci du détail et à un processus qui dure deux ans. « Mon directeur général n’aime pas que je dise ça, mais je ne pourrais pas m’offrir mes propres lampes. Je pourrais m’en faire une moi-même, par contre », convient Samuel Lambert, qui compose avec cette dichotomie au quotidien.

Dans cet atelier aux hautes fenêtres, des mains abimées — et souvent sales — transforment toujours la matière en source lumineuse. Pour créer ces lampes qu’on achète peut-être une fois, mais qui durent toute la vie. Qui seront suspendues au-dessus de nos soupers qui s’étirent, dormiront à notre chevet et éclaireront nos soirées brumeuses.

Un objet longtemps réfléchi est un objet qui traverse le temps, comme une bonne histoire qui continue d’être racontée.

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BESIDE Habitat x Lambert & Fils

Les lampes font davantage que vaillamment éclairer nos espaces : elles les façonnent. Par leur façon tantôt directe, tantôt subtile de diffuser la lumière, elles arrivent à modifier l’ambiance des lieux où elles se trouvent.

Le studio de design montréalais Lambert & Fils a cette habileté de donner vie à la matière, à l’espace et à la réflexion. C’est pourquoi, lorsque le moment est venu de choisir l’éclairage de nos chalets, nous nous sommes tourné·e·s vers eux.

Ensemble, nous avons créé des luminaires à l’image d’Habitat: bruts, organiques, chaleureux, inspirés de la nature et qui nous surpasseront dans le temps.

Numéro 10

Cet article est tiré de notre plus récent numéro Nos transformations

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