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Un périple à la voile «sur le pouce» à travers les iles du Pacifique Sud, en quête d’histoires et d’initiatives de communautés locales pour contrer les effets des changements climatiques.

Traversée

« Je navigue depuis maintenant une semaine. Les jours coulent doucement à bord d’un voilier. Si tous les efforts sont appréciés, il se crée parfois une synergie, sur l’eau, qui nous donne l’impression d’avancer sans peine. C’est la même chose sur la terre ferme: lors de ce voyage, j’ai été témoin de grands moments de soliratité entre les insulaires. Ensemble, ils tendent vers les mêmes buts, dans un dévouement et une harmonie qui me sont apparus tout à fait uniques. Je n’en avais aucune idée avant de partir, mais ce que je m’apprêtais à vivre, c’était un mouvement de renaissance culturelle qui allait rassembler tous les habitants des îles Cook. »

De Bora Bora aux iles Cook

Les iles Cook

Un archipel résilient

C’est au milieu de l’océan Pacifique sud, entre les Samoa américaines et la Polynésie française, que trônent les îles Cook. Politiquement lié à la Nouvelle-Zélande, l’archipel se décline en 15 iles, où les ravages du changement climatique sont manifestes: parlez-en aux insulaires, qui voient les récifs de coraux se dégrader à un rythme affolant.

Devant cet état de fait, la population a choisi de se mobiliser, en créant par exemple la Te Ipukarea Society, qui tente d’atténuer les conséquences locales du réchauffement planétaire. La philosophie de cette organisation? Les ressources naturelles qui nous entourent appartiennent aux générations futures. Il est de notre responsabilité de les conserver en bon état.

C’est toutefois dans le passé que se trouverait une partie de la solution, estiment les habitants des iles Cook. Ceux qui croient beaucoup au transfert des connaissances et des savoir-faire militent en effet pour un retour aux méthodes traditionnelles de gestion des ressources, qui ont un impact favorable sur les écosystèmes marins. Bienvenue dans une communauté où la préservation de l’environnement n’est rien de moins qu’une affaire de coeur. Et de résilience.

La pêche ancestrale

À son arrivée aux iles Cook, Guillaume tente de dénicher de l’information à propos des difficultés et des solutions liées à la surpêche. Il traverse l’ile, visite les salles de presse et les organisations gouvernementales, mais ne trouve des réponses qu’au moment de sa rencontre avec le docteur Teina Rongo:

Teina Rongo

Teina a étudié les récifs pendant des années, tout en travaillant sur un documentaire – produit avec les aînés des communautés – sur les problèmes de la pêche à la senne coulissante. Ce projet l’a amené à s’entretenir avec des pêcheurs locaux du pays entier: ces derniers ont pu exprimer leurs inquiétudes quant à l’extension des droits de pêche et des permis accordés aux étrangers par le gouvernement. La pêche à la senne coulissante et autres techniques modernes déciment les populations de poissons à une telle vitesse que le régénération naturelle est impossible, estimaient-ils. Heureusement, les solutions avancées alors par Teina – la revitalisation des communautés et de la conscience collective – ont rapidement trouvé écho dans l’opinion populaire:

 

« Nous tentons aujourd’hui de conserver notre langage. Ce que nous ne réalisons pas, c’est que notre langue est aussi le miroir de nos pratiques. Une pratique traditionnelle nous lie à la terre. Cultiver, pêcher. Parce qu’à travers ça, nous observons l’environnement. Nous permettons au peuple de prendre conscience que les solutions au changement climatique ont toujours existé. Il faut simplement les accepter. L’occidentalisation nous éloigne des pratiques ancestrales – pourtant, ce sont ces pratiques qui nous aident à nous adapter aux transformations de l’environnement. »

Teina explique que la pêche à la canne de bambou, qui vise un groupe de poissons à la fois (par exemple, le mérou), est une méthode pratiquée depuis des centaines d’années. Or elle a été remplacée par des méthodes beaucoup plus agressives, comme la pêche au filet maillant, qui entraîne la capture d’espèces non ciblées. Dans un contexte où les ressources et les conditions océaniques sont constamment bouleversées – la faute aux changements climatiques -, la promotion de pratiques écologiques est essentielle:

« Il est primordial pour les peuples indigènes d’effectuer un retour à la pêche, parce que cela les remettra en contact avec l’environnement. Il y a fort à parier qu’en réapprenant à les apprécier, ils n’auront pas envie de délaisser ces écosystèmes ou de les vendre pour un bénéfice économique. »

Pour Teina, l’occidentalisation est en partie responsable de la dégradation du lien entre le peuple et la terre, l’océan et la culture. Sur Rarotonga, l’île la plus développée de l’archipel, les méthodes de pêche commerciales sont privilégiées et les aînés sont laissés à eux-mêmes. En revanche, sur Pakupuka, une île davantage isolée, le peuple gère toujours les ressources à l’aide de pratiques traditionnelle (ra`ui); les aînés s’impliquent activement dans la communauté; et les enfants se rassemblent pour écouter des récits émaillés de connaissances ancestrales – récits qui font donc offices de courroies de transmission.

A Waka

Le Movement

Au moment du séjour de Guillaume aux îles Cook, un mouvement citoyen faisait rage, mené par des chefs traditionnels : Monsieur William Farhem et son père. Pour la première fois de l’histoire de l’archipel, le gouvernement était poursuivi en justice par le peuple. Celui-ci exigeait que l’état reconnaisse non seulement les problèmes environnementaux, mais aussi la solution que représentaient les connaissances et les pratiques traditionnelles. Il s’agissait clairement de la manifestation environnementale la plus importante de l’histoire de l’archipel. Le mouvement se manifestait à travers la région entière.

Quelques mois plus tôt, les membres de la communauté et les aînés traditionnels avaient déjà entamé des démarches et posé des actions concrètes. Aux côtés de trois autres pays du Pacifique Sud, ils avaient rassemblé une flotte de trois canoës sans combustible fossile, qui avait effectué la traversée entre les îles Cook et l’Australie. Ils souhaitaient ainsi livrer un message urgent à propos des conséquences du changement climatique, visibles dans l’archipel.

Sam Timoco

La traversée était menée par le renommé capitaine Sam Timoco, à bord du Marumaru Atua, son traditionnel vaka (vaisseau). Aux dires de Sam, le départ avait été fort en émotions: parmi les habitants des îles Cook qui étaient présents, beaucoup étaient émus de voir les canoës traditionnels – certains les apercevaient pour la première fois! – et d’entendre le message puissant qu’ils iraient livrer en Australie. Il faut dire que ces bateaux symbolisent le changement souhaité par les insulaires, qui rêvent d’un monde où les pratiques ancestrales seraient privilégiées, au profit d’un environnement plus sain pour les générations futures.

Le périple de quatre mois s’est achevé avec une entrée remarquée à travers les Sydney Heads, en novembre dernier, afin de coïncider avec la tenue du congrès mondial des parcs de l’Union internationale pour la conservation de la nature. Soulignons d’ailleurs que certains des engagements les plus importants de l’histoire en matière de zones protégées ont été pris tout récemment, dans le Pacifique Sud.

Épisode 05

La pêche ancestrale

L’usage de méthodes de gestion des ressources traditionnelles en tant que solution aux problèmes climatiques et environnementaux est un sujet d’actualité dans les îles Cook. Afin d’influencer le gouvernement de Rarotonga, les chefs de tribu ont opté pour un moyen de pression alternatif: la revitalisation des communautés. Guillaume Beaudoin explore le sujet lors du cinquième chapitre de son périple.

Ile de Nuie

Observations finales

En quittant les îles Cook, je ne pouvais m’empêcher de me sentir inspiré par ces mouvements sociaux naissants. Sur mon voilier, je continuais de songer aux propos de Teina : les réserves de poissons ont été gérées de manière responsable pendant des centaines d’années, grâce aux connaissances et aux pratiques traditionnelles. Il n’existe pas de mots assez puissants pour exprimer l’importance de garder ce savoir vivant.

Après cinq jours de navigation, nous avons atteint le royaume de Niue, où nous avons été accueillis par la force brute de la nature. C’est en observant ces vagues massives que j’ai été frappé par une évidence: sans solidarité en temps de crise, aucun avenir viable n’est possible.