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Un périple à la voile «sur le pouce» à travers les iles du Pacifique Sud, en quête d’histoires et d’initiatives de communautés locales pour contrer les effets des changements climatiques.

Les iles Fidji

Situées entre les Samoa américaines et la Nouvelle-Calédonie, les Fidji forment un archipel de 300 iles, dont près du tiers sont inhabitées. Elles ont constitué une colonie britannique de 1874 à 1970, année à laquelle elles sont devenues indépendantes.

À la base, ces iles sont le résultat d’une accumulation de coraux et de sédiments volcaniques. Or, tout porte à croire que l’archipel est à la merci du changement climatique et de ses conséquences catastrophiques: érosion des côtes, disparition des coraux, destruction de villages à la suite de tempêtes d’une puissance inégalée… En 2016, le cyclone Winston a même anéanti plus de 30 000 maisons. Si les insulaires sont habitués aux caprices de dame Nature, ils n’en remarquent pas moins la violence et la fréquence accrues des tempêtes qui s’abattent sur eux.

L’arrivée

Guillaume comprend qu’il doit se plonger dans la culture et l’histoire de l’archipel afin d’en obtenir un portrait complet. Ses questionnements sont nombreux: par exemple, quels impacts l’élévation du niveau de la mer et l’érosion des côtes ont-elles sur cet écosystème exceptionnel? Pour trouver des réponses, il se dirige vers le secrétariat du Forum du Pacifique Sud. Il s’agit d’une organisation politique internationale réunissant les 16 pays indépendants de l’Océanie; ses activités tournent autour de l’environnement, de l’énergie, du commerce et de la pêche. Le Forum a notamment encadré l’adoption du traité de Rarotonga, le 6 aout 1985, visant à créer une zone dénucléarisée en Océanie.

« Dès que j’ai mis les pieds sur les côtes fidjiennes, j’ai eu l’intime conviction qu’il s’y tramait quelque chose de différent. Il se trouve que la rive même sur laquelle je me tenais était en danger. Les eaux environnantes, leurs différents écosystèmes: tout cela était en jeu, puisqu’aux iles Fidji, tout est étroitement lié. »

— Guillaume

 

Sur les recommandations du personnel de l’organisation, Guillaume se rend ensuite dans un petit village de Vanua Levu. Là-bas, on l’invite à assister à une réunion des chefs de l’ile, où on lui parle d’un lieu — le village perdu — qu’on a dû déplacer pour des raisons de sécurité. Il obtient la permission de visiter cette communauté éloignée, qui lui en apprendra davantage, espère-t-il, sur l’histoire de l’archipel.

 

 

Le village perdu

Plusieurs des communautés insulaires du Pacifique voient leur territoire rongé par l’érosion des côtes, ce qui les pousse à partir. D’ailleurs, la disparition totale des iles est imminente. Les peuples qui vivent dans des agglomérations côtières menacées par la mer le savent. Ceux dont les plantations ont été détruites par des inondations d’eau salée le savent. Ceux qui ont dû quitter des emplacements ancestraux parce que leurs maisons ont été anéanties le savent. Les petites nations insulaires ont été témoins, au cours des dernières décennies, de la montée dramatique des eaux — une augmentation de trois à quatre fois plus élevée que la moyenne mondiale.

Le village de Vunidogoloa devenait, en février 2014, le premier des iles Fidji à être déplacé. Il se trouve désormais à deux kilomètres à l’intérieur des terres. C’est en visitant cette communauté que Guillaume prend conscience d’une chose: l’érosion des côtes — et ses conséquences — constitue un avant-gout des bouleversements qui attendent le reste du monde.

 

Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (BCAH), les Fidji constituent le premier pays du Pacifique à devoir déplacer des habitants en raison du changement climatique. Ce n’est pas banal: le déménagement d’un village implique des années de préparation. Un processus hautement émotif, dont les premières étapes — choix du nouveau site et démarches de construction — marquent l’abandon des récits personnels et de l’héritage culturel. Le lien des insulaires avec leur environnement direct est fort; le changement climatique affecte leur mode de vie, en plus de leur positionnement géographique.

« C’est ici que se trouvait ma maison. Elle était ici parce que c’était loin de la mer. Je l’ai déménagée une, deux, trois fois avant de la quitter à jamais… »

— Sailosi Ramatu, responsable du village

 

Lorsque Guillaume atteint le centre de l’ancien village en compagnie de ses guides, il constate avec stupéfaction que le site a désormais l’allure d’un marais. Le niveau de la mer a monté bien plus qu’il ne l’aurait cru.

« La réalité du changement climatique, c’est que ça détruit la beauté de l’environnement. »

Les mangroves

À son retour sur l’ile de Viti Levu, Guillaume étudie les actions qui ont été mises en œuvre afin de préserver les côtes en proie à l’érosion. Il constate que, comme souvent, la réponse est venue de la nature — et plus particulièrement des mangroves, des habitats vitaux que l’on retrouve sur la côte est de l’archipel.

 

Les mangroves protègent les côtes des tsunamis, des ouragans et de la montée des eaux. Elles permettent aussi aux récifs adjacents de bénéficier d’un export de carbone vital, et contribuent à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Enfin, de nombreux organismes marins y trouvent refuge en période de reproduction. C’est pour ces raisons qu’existent des organismes comme Mangroves for Fiji (une subdivision de Projects Abroad), et qu’ils travaillent à repeupler les côtes de ces écosystèmes dotés d’une grande capacité d’adaptation.

« Ce matin, nous sommes allés planter 1 010 mangroves. Nous réutilisons les bouteilles de plastique que nous récupérons des stations balnéaires de la région, des villages et auprès des habitants des ports du Pacifique, afin de les transformer en pots à plantes. Depuis que ce système est en marche — c’était début 2014 —, nous avons recyclé environ 15 000 bouteilles. Et, à ce jour, nous avons planté 92 000 mangroves. »

— Un bénévole œuvrant pour Projects Abroad

 

EPISODE 6: The Lost Village

« C’est aux iles Fidji que j’ai réalisé que l’exploitation déshonorable des ressources naturelles finit inévitablement par se retourner contre nous. C’est aussi là que j’ai compris qu’on peut enrayer les effets négatifs du changement climatique avec des actions collectives qui miment la réponse de la nature. »

 

— Guillaume

Nager avec les requins

Guillaume est convaincu que lorsque nous respectons la nature, nous vivons dans un équilibre parfait. Son périple dans les iles du Pacifique Sud lui a permis de constater que les savoirs traditionnels et le respect des écosystèmes contribuent depuis toujours à une gestion durable des ressources, et sont bien plus utiles que la peur, qui guide trop souvent notre approche du monde marin.

« Traditionnellement, aux Fidji, ils avaient un dieu esprit qui était vu comme un protecteur du peuple. Aucun mal ne serait fait à ceux qui partiraient en mer. Les requins ne sont donc pas des créatures que l’on devrait craindre — à certains endroits, il est même considéré comme tabou de les pêcher ou de leur nuire. Pour être honnête, j’étais nerveux à l’idée de plonger dans l’eau avec eux. Mais j’ai respecté leur présence, et j’ai pu apprécier l’expérience. »