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Across the Salty Roads

Un périple à la voile «sur le pouce» à travers les iles du Pacifique Sud, en quête d’histoires et d’initiatives de communautés locales pour contrer les effets des changements climatiques.

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Intro

Dans les iles du Pacifique Sud, les communautés déploient des solutions créatives et durables pour lutter contre les changements climatiques.

TEXTE par Michelle Pucci

 

Un aperçu

L’eau n’est pas l’élément qui divise les milliers d’iles du Pacifique Sud; c’est plutôt celui qui les unit. Près de 3,5 millions d’habitants ont élu domicile dans la région, sur ses iles à haute altitude — d’origine volcanique — ou à basse altitude — formées par l’accumulation de récifs coralliens. Les populations qui y vivent sont sur la ligne de front en matière de changements climatiques et luttent chaque jour contre l’érosion côtière, l’élévation du niveau de la mer et les vents violents qui transforment graduellement la géographie de la région. Les communautés insulaires forment des États indépendants, comme la Micronésie, les Fiji et les iles Salomon, ainsi que des colonies, comme la Polynésie française et les Samoa américaines. Chaque région connait son propre lot de défis environnementaux et s’efforce de réduire les émissions de combustibles fossiles, de protéger la biodiversité marine et de développer de meilleurs systèmes de gestion des déchets. Les marées de plus en plus hautes et le réchauffement de l’océan sont toutefois des préoccupations partagées par tous les insulaires. L’eau de mer infiltre les réserves d’eau de pluie essentielles à leur approvisionnement en eau douce. Les pics de température provoquent le blanchiment des récifs coralliens, qui sont de plus en plus vulnérables aux changements environnementaux. En eau chaude, ils rejettent leurs algues symbiotiques, mettant ainsi leur survie en péril. Face à cette problématique, les communautés locales déploient diverses initiatives visant à promouvoir la conservation des côtes et les pratiques de pêche durables.

Urbanisation et aménagement du littoral

L’urbanisation et l’aménagement du littoral, conjugués à l’évacuation insuffisante des eaux usées, représentent une sérieuse menace pour les écosystèmes locaux. Les programmes de conservation marine du Pacifique Sud respectent la tradition insulaire selon laquelle les communautés tantôt autorisent, tantôt interdisent le développement ou la pêche au sein de certaines zones littorales. Aux iles Marquises et aux Fiji, les aires marines protégées appliquent ces principes de restriction, dits de rahui, à la gestion des terres côtières et de l’eau afin d’assurer la survie et la santé des écosystèmes. À Bora Bora, des centaines d’espèces de coraux ont été transplantées dans des minijardins ou des lagunes privées faisant office de sanctuaires et de zones d’alimentation pour les raies — propices à l’observation écotouristique et scientifique. La réserve de la biosphère de la commune de Fakarava, dans l’archipel des Tuamotu, abrite moins de 2 000 personnes et abonde en espèces de plantes et d’animaux indigènes.

Crédit: Farakara un jardin d'éden sur l'océan

Elle soutient également des pratiques écologiques telles que la pêche durable et la régénération des cocoteraies. Aux Fiji, les communautés s’emploient non seulement à maintenir des centaines de petites aires marines protégées limitant l’activité sur les côtes, mais aussi à transformer l’élimination des eaux usées en engrais. Dans les Marquises, des aires marines éducatives protégées (AMP) encouragent les jeunes à s’impliquer dans différents projets locaux afin qu’ils soient sensibilisés aux impacts de l’activité humaine sur les coraux et la faune marine. Les élèves sont aussi amenés à réaliser des études et à élaborer des plans de conservation. Ces AMP leur font ainsi prendre conscience qu’ils sont appelés à jouer un rôle clé dans la préservation de leur environnement local.

« Il ne suffira pas de quelques semaines ou de quelques mois pour renverser les effets du réchauffement climatique, mais nous pouvons du moins agir à l’échelle locale. Promouvoir les meilleures pratiques en matière d’aménagement du littoral; promouvoir les aires marines protégées et la conservation des récifs coralliens sont autant de moyens de contribuer à la réduction des méfaits dans l’immédiat. » — Serge Planes, directeur du Centre de recherches insulaires et observatoire de l’environnement (CRIOBE) de Moorea, en Polynésie française.

Salinisation du sol

Les cultures vivrières — comme celles du taro des marais (ou pulaka) et de la noix de coco à Tuvalu, ou de la patate douce aux iles Salomon — peinent à tenir le coup face aux changements climatiques. À Tuvalu, la salinisation du sol provoquée par la hausse du niveau de la mer met les récoltes locales à rude épreuve. Certaines se sont toutefois bien adaptées et prospèrent dans les sols salés. Traditionnellement, le pulaka était cultivé à même des fosses familiales — désormais menacées par les inondations d’eau salée. Pour assurer la subsistance des communautés locales, le gouvernement a mis en place une stratégie visant à importer des souches de variétés tolérantes au sel. Ayant fait ses preuves au Pakistan, au Bangladesh et au Ghana, l’agriculture saline est porteuse d’espoir pour Tuvalu, qui déploie d’autres initiatives en parallèle, comme la réhabilitation des fosses familiales et la diversification de l’affectation des terres par l’alliage de la foresterie et de l’agriculture. Aux iles Salomon, les fermiers ont recours à la permaculture afin de cultiver différentes variétés de semis et de plantes, ce qui ravive la santé des sols. Ces agricultures diversifiées favorisent une meilleure répartition des ressources et génèrent des récoltes plus généreuses tout en exigeant moins d’entretien.

Pollution plastique

Alors que la production de plastique augmente de façon exponentielle dans le monde entier, les dommages collatéraux de ce phénomène se font particulièrement sentir dans les iles du Pacifique Sud. Près de 38 millions de débris à la dérive se sont échoués sur les rives de l’ile Henderson, l’un des quatre atolls de l’archipel Pitcairn, et des dizaines d’autres en provenance de l’Espagne, de la France et du Royaume-Uni y aboutissent chaque jour. Les déchets plastiques sont monnaie courante sur les côtes du monde entier, mais au beau milieu d’une ile pratiquement dénuée de toute activité humaine, cet amas de détritus colorés a quelque chose d’incongru. Encadrer et restreindre la consommation de plastique par des initiatives locales et la mise en place de règlementations gouvernementales peut contribuer à réduire la pollution plastique au sein des océans. Or, à moins que le monde entier se serre les coudes pour renverser phénomène, il y aura plus de plastique que de poissons dans nos océans d’ici 2050. Heureusement, la réduction de la pollution plastique fera partie des thèmes inscrits à l’ordre du jour de la Conférence des Nations Unies sur l’océan — coorganisée par les iles Fiji et la Suède — qui aura lieu en juin.

« Henderson est une sentinelle, un baromètre de ce qui se passe dans l’océan. La même chose pourrait être en train de se produire dans n’importe quelle ile reculée du Pacifique Sud, que ce soit dans les Marquises, les iles Gambier ou les iles Phoenix. Il y a peu de touristes et, quand les gens s’y rendent, ce n’est pas nécessairement pour constater la quantité de déchets en plastique qui s’y retrouve. » —Alexander Bond, scientifique principal en conservation, Société royale pour la protection des oiseaux

Espèces envahissantes

Les étendues d’eau qui permettent aux humains de voyager d’ile en ile ont aussi pour effet d’isoler les organismes terrestres, de sorte que les iles en viennent généralement à abriter des écosystèmes symbiotiques recélant des plantes et des animaux uniques.

La survie des espèces endémiques peut vite être menacée par certaines espèces envahissantes, comme les rats ou le tilapia, ayant été introduites accidentellement ou intentionnellement dans les régions insulaires lors de leur colonisation ou à cause des conditions changeantes de l’habitat. Dans tous les cas, celles-ci entrainent des effets dévastateurs au sein des écosystèmes locaux.

Sur l’ile de Pâques, une enclave chilienne nichée dans le sud-est du Pacifique, les chercheurs se livrent à une course contre la montre pour préserver les dernières espèces endémiques qui s’y trouvent, soit une douzaine de variétés d’insectes caverneux et d’invertébrés. Les espèces invasives ont déjà eu raison de la très grande majorité des espèces insulaires. La colonisation humaine a transformé le paysage environnant. Ses terres jadis peuplées de palmiers et de toromiros sont devenues des prairies, ce qui s’est ultimement traduit par l’extinction de presque toutes les espèces de plantes et d’animaux indigènes. Des équipes de biologistes joignent leurs efforts à ceux des conservateurs locaux afin d’étudier les invertébrés isolés dans les grottes et les falaises de l’ile.

Élévation du niveau de la mer

Les iles à basse altitude ne font pas bon ménage avec les vents forts et l’élévation constante du niveau de la mer, comme en témoignent cinq des iles Salomon qui ont été englouties au cours des cinquante dernières années. On prédit que les eaux du Pacifique Nord devraient s’élever d’un mètre au cours du prochain siècle, submergeant certaines régions du grand Vancouver. Or, contrairement au Canada, les iles du Pacifique Sud n’ont généralement pas les ressources nécessaires à la mise en place d’infrastructures de prévention des inondations. Un peu plus tôt cette année en Polynésie française, le gouvernement français a signé un accord permettant au Seasteading Institute d’étudier à ses propres frais la faisabilité et l’impact potentiel d’un projet d’« ile flottante ». Selon l’institut, qui s’intéresse aussi aux régions situées au large des côtes de Tahiti, de Tupai et de Raïatéa, ces iles artificielles pourraient générer d’importantes retombées économiques pour les habitants de ces lieux menacés par la montée des eaux.

***

Au cours des six prochains mois, Across the Salty Roads et B-SIDE documenteront la réalité du Pacifique Sud en se plongeant au cœur de la diversité biologique unique de ses iles, des défis environnementaux et des solutions mises en œuvre par les communautés locales afin d’assurer la survie de leur culture.

« Chaque pays devra composer avec sa propre réalité et son lot de problèmes. Ces gens ne sont pas si différents de vous et moi. Ils vivent tout simplement ailleurs, et ont une histoire différente. » — Simon Donner, professeur associé en climatologie à l’Université de Colombie-Britannique